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Territoires en souffrance : la qualité de la vie quotidienne en cause

Une note du Conseil d’analyse économique « Territoires, bien-être et politiques publiques » s’interroge sur les déterminants locaux des mouvements de mécontentement qui ont secoué la France l’année dernière. Les manifestations des « Gilets jaunes » ont été imputées à de nombreuses causes : difficultés d’insertion dans l’emploi, conditions de vie personnelles difficiles, coût de la vie (70 % des sympathisants du mouvement vivent avec un revenu inférieur au revenu médian), localisation dans des villes petites et moyennes en déclin démographique situées loin des métropoles, avec une dépendance à la voiture, solitude enfin. Le bilan d’ensemble concluait au malaise d’une partie de la classe moyenne inférieure qui, pour des raisons financières, habite dans des territoires mal desservis et qui souffre du coût des déplacements et d’un budget trop serré.

Trois chercheurs du CAE (Y. Algan, C. Malgouyres, C. Senik) ont cherché à identifier et surtout à hiérarchiser plus précisément les causes du malaise. Ils ont donc sélectionné certains territoires en fonction de 3 critères : l’importance de la mobilisation lors du mouvement des gilets jaunes, le taux d’abstention aux élections présidentielles, le niveau déclaré de satisfaction dans la vie, mesuré par une enquête du Cévipof sur 2017 et 2018. Il s’avère que ces territoires se caractérisent par une variation à la baisse des taux d’emploi et du niveau de vie entre 2010 et 2015, par la fermeture d’équipements de proximité (la fermeture de superettes joue un rôle important mais aussi la perte d’un lycée ou d’un équipement de santé, urgences, maternité), par une augmentation des impôts locaux, par la chute des transactions immobilières et, quand on peut le mesurer, par l’affaiblissement associatif.

Les chercheurs ont cherché à hiérarchiser le rôle joué par ces facteurs (robustesse et amplitude du lien statistique entre le facteur repéré et les signes de mécontentement). Si l’on s’en tient à la robustesse, c’est à dire à la persistance du lien repéré, c’est la situation d’emploi de la commune qui est la cause première du malaise. Mais si on compare les effets des divers événements quand ils se produisent, ce sont les fermetures d’équipements qui deviennent la cause principale avec, en second, les augmentations d’impôts, puis le dynamisme immobilier et associatif.

Les chercheurs en tirent des conclusions sur l’attention que les politiques territoriales doivent porter au bien-être et à la qualité de vie en complément de l’aide au développement économique. Ils soulignent l’importance des projets préparés et menés par des acteurs locaux et non pas de manière centralisée, évoquant la nécessité d’un « empowerment » des territoires. Ils louent dans ce contexte les actions telles que « Action Cœur de villes » ou les « Pactes territoriaux » où l’Etat accompagne les collectivités, ainsi que le dispositif des « Maisons France service », suggérant d’y inclure les services de proximité y compris privés.  Ils proposent (c’est une conclusion qui a fait du bruit) d’abandonner les dispositifs de Zones franches urbaines et de Zones de revitalisation rurale qui « arrosent le sable ».  Après une précédente note du CAE de 2015 qui jugeait favorablement la concentration des activités au sein des métropoles, recommandant toutefois de développer la formation et l’éducation dans les territoires moins bien dotés en entreprises et compétences, cette note, plus subtile, ouvre d’autres perspectives, sans doute compliquées à mettre en œuvre (l’initiative locale est sollicitée) mais plus mobilisatrices.