Les trois Europes migratoires

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Les trois Europes migratoires

La Fondation Terra nova et l’Institut Montaigne publient le 23 janvier 2020 une note sur la situation des pays européens au regard des flux de migration internes à l’union européens, en s’efforçant de replacer ces données dans une vision d’ensemble de la situation démographique du pays. La note poursuit deux objectifs : d’abord éclairer les différences de dynamique démographique des divers pays de l’Union ; ensuite utiliser cette analyse pour ouvrir à nouveau le débat entre les pays de l’Union sur les flux migratoires dans leur totalité, quelle que soit leur origine, afin de sortir des blocages actuels et de reconstruire une politique migratoire commune. Autant la note est intéressante sur le premier point, autant l’espoir de trouver, grâce à une réflexion sur les conséquences des émigrations internes, des solutions aux divergences actuelles sur les migrations de provenance extra-européenne paraît fragile.

La note distingue trois Europes : une Europe frappée par un double déclin, avec des soldes naturel et migratoire tous deux négatifs ; une Europe dynamique et attractive, aux soldes naturel et migratoire positifs ; une Europe atypique de faible natalité et de solde migratoire positif.  La première comprend d’abord une Europe du sud marquée par une faible natalité et une émigration massive : ainsi, le solde naturel de la Grèce et du Portugal a baissé de 2 % entre 2014 et 2017 et, entre 2010 et 2017, 800 000 Grecs et 330 000 Portugais ont émigré, soit respectivement 7,4 et 3,2 % de la population totale. La majorité de ces émigrés était jeune et la plupart diplômés. Cette Europe en déclin démographique comprend également les pays de l’est européen (sauf la Tchéquie, la Slovaquie, la Slovénie) : la natalité est basse, la mortalité forte et l’émigration massive.  Depuis 1989, la Moldavie a perdu 17 % de sa population, la Lituanie 21 % et la Lettonie 25%. La Bulgarie est la plus durement touchée pour ce qui est de l’évolution du solde naturel, la Pologne a un taux d’émigration élevé mais accueille des Ukrainiens et des Biélorusses et la Hongrie se vide de ses habitants : -8,4 % de 1980 à aujourd’hui. Les perspectives tablent sur une accentuation de ces caractéristiques. Le constat alimente dans les pays concernés une anxiété démographique qui n’est pas sans relation avec le populisme et la xénophobie.

Face à ces pays, la deuxième Europe regroupe des pays comme l’Irlande et la France dont le solde naturel est élevé et le solde migratoire positif. Pourtant, pour ce qui est de la France, l’attractivité est en baisse : l’émigration augmente (elle est passée de 180 000 en 2006 à 300 000 en 2017 et concerne essentiellement des jeunes diplômés qui s’installent dans d’autre pays développés. Quant à l’Europe atypique (la troisième Europe), elle regroupe l’Italie, pays de faible natalité avec un fort taux migratoire, ce qui provoque des réactions de rejet et une évolution des partis politiques, et l’Allemagne, dont la dynamique démographique est liée au solde migratoire, qui peut mieux envisager l’insertion grâce à sa bonne santé économique mais est secouée aussi par des mouvements de rejet.

La note propose, sur le fondement de ce bilan et des craintes que certains pays européens expriment légitimement sur leur avenir, une réflexion sur l’immigration en général.  Les pays concernés par l’émigration intra européenne sont pénalisés du point de vue économique et social et les pays de forte immigration sont également touchés par le populisme. L’Europe peut s’intéresser à la maîtrise des migrations intra européennes et tenter de mieux compenser les déséquilibres entre territoires que les fonds structurels ne parviennent pas à redresser. Elle peut en profiter pour ouvrir le débat sur les migrations externes, en y associant les Etats d’origine, notamment en Afrique. Cependant, même si elle s’en défend, la note est quelque peu naïve : les choix des pays de l’est européen ne sont pas rationnels. Ils sont guidés par un nationalisme virulent et l’adhésion à une idéologie de supériorité de certaines origines ethniques. Il sera difficile de les convaincre que l’avenir passe par le recours à une immigration même très contrôlée.