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EHPAD : la détresse de la vieillesse

La DREES réalise l’enquête CARE (Capacités, aides et ressources des seniors), à la fois en institution et à domicile, pour connaître les conditions de vie des seniors, en mesurant notamment les difficultés de la vie quotidienne qu’ils rencontrent et les relations avec leur entourage. Un numéro d’Etudes et résultats de la DREES (janvier 2020 n° 1121) s’intéresse, sur le fondement des données collectées par l’étude CARE de 2015 et 2016, à l’état psychologique des personnes âgées hébergées dans les EHPAD (établissements d’hébergement des personnes âgées dépendantes). En 2015, 590 000 personnes âgées vivent en institution, dont 529 000 ont plus de 75 ans (soit 8,5 % de cette tranche d’âge, dont 91,5 % vivent à domicile). Un résident sur deux a, dans l’année écoulée, ressenti de la fatigue, de la lassitude ou de l’épuisement, un sur trois a besoin de se motiver pour assurer ses activités quotidiennes et un sur six n’en a aucune. Ces caractéristiques s’accentuent avec l’âge. La fatigue, la lassitude et l’épuisement touchent les personnes âgées à domicile dans les mêmes proportions mais le manque d’appétit et la difficulté à assumer les activités quotidiennes y sont bien moins fréquentes. De même, 18 % des seniors en institution déclarent souffrir de dépression (près de la moitié des seniors en établissement se sont vus prescrire des antidépresseurs dans l’année), deux fois plus qu’à domicile. L’application d’un « score de bien-être » tenant compte des réponses aux questions sur la fréquence de la tristesse, de l’abattement, du découragement ou du sentiment de bonheur montre qu’un tiers des résidents obtient un score inférieur à un seuil défini comme celui de la « détresse psychologique », cette situation ne touchant qu’un quart des personnes âgées à domicile. Encore les chiffres sont-ils sous-estimés en institution, seules les réponses données directement par les résidents étant prises en compte : or un certain nombre d’entre eux (les plus malades) n’ont pas été en mesure de le faire. 16 % des résidents en EHPAD se déclarent souvent « heureux », 32 % à domicile. Deux éléments jouent un rôle prépondérant dans ces déclarations : l’état de santé et le sentiment d’isolement (qualité de la relation avec les aidants, amitiés nouées dans l’institution, rythme des visites de la famille correspondant à ce qui convient à la personne hébergée).

Il est sans doute difficile de conclure que la différence du lieu de vie suffit à expliquer l’écart de la situation psychologique des personnes âgées : les résidents en institution sont souvent en moins bonne santé et plus isolées que les personnes restées au domicile et don plus souvent « en détresse ». L’on pourrait toutefois soupçonner que l’absence d’activité en établissement est une des causes de cette situation mais l’enquête n’évoque pas ce point (elle ne parle pas des loisirs ni de la vie quotidienne en EHPAD). Pour autant, l’enquête peut être rapprochée de la volonté affirmée par les ¾ des Français (baromètre DREES) de vieillir plutôt à domicile qu’en institution. L’image des EHPAD n’est pas flatteuse, sans doute parce que l’on n’y entre pas volontairement, sans doute aussi parce qu’ils concentrent des personnes très diminuées.

 

Répondre au souhait très majoritaire de vieillir chez soi est l’une des principales orientations affichées du projet de loi annoncé sur le grand âge, dont on ne connaît pas aujourd’hui le calendrier. C’est dans le cadre des mouvements sociaux de 2018 dans les EHPAD qu’un rapport avait été commandé pour faire des propositions d’amélioration de la prise en charge de la dépendance. Ce rapport (le rapport Libault) a été publié en mars 2019. Il mettait l’accent sur la nécessité de maintenir les personnes âgées en milieu ordinaire de vie le plus longtemps possible et proposait de créer, entre les EHPAD et le domicile, des habitats intermédiaires adaptés où la personne âgée se sentirait chez elle mais en sécurité : les EHPAD seraient désormais chargés de l’organisation de ce maintien à domicile. Le projet est intéressant mais cher et long à prendre forme, d’autant que la réforme doit aussi financer une revalorisation des métiers du grand âge. Il ne faudrait donc pas tarder à la définir, à en prévoir le financement puis à la porter. La qualité du vieillissement est un des défis du siècle, autant apporter le plus rapidement possible les réponses innovantes nécessaires.