Priorités éducatives : mieux aider petites villes et territoires ruraux

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Priorités éducatives : mieux aider petites villes et territoires ruraux

En novembre dernier, le ministre de l’Education nationale recevait le rapport Mathiot Azema intitulé « Territoires et réussite » qui avait pour mission de dessiner l’avenir de l’Education prioritaire. Depuis longtemps, J-M Blanquer, qui souligne la faible réussite de l’Education prioritaire sans toujours mettre en lumière les responsabilités du ministère dans cet échec (notamment en ce qui concerne l’affectation et la formation des enseignants qui travaillent dans ce réseau d’établissements qui accueillent des enfants et des jeunes défavorisés) est favorable à une approche plus graduelle des difficultés des établissements et à une allocation progressive des moyens, qui permettrait de traiter le cas des établissements situés en dehors de l’Education prioritaire qui accueillent des enfants défavorisés. Il a donc gelé en 2018 la carte de l’Education prioritaire et demandé un rapport sur une nouvelle organisation. Le rapport rendu, la réflexion a progressé : le rapport Mathiot Azema propose de maintenir, voire d’aider davantage, les établissements du réseau REP + qui accueillent une population qui en a sans conteste besoin. En revanche, pour éviter le caractère binaire de l’attribution (ou pas) de l’étiquette REP, il propose de remplacer le réseau REP, qui couvre parfois des établissements qui n’en ont pas besoin et néglige des zones qu’il devrait intégrer (petites villes en déclin, zones rurales éloignées) par un « réseau de priorité académique » défini au niveau régional et local en fonction des difficultés constatées. La proposition est convaincante : hasard ou non, la DEPP (Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance du Ministère de l’Education nationale) a fait paraître récemment plusieurs notes qui attestent des inégalités de l’école en fonction du type de commune de résidence des enfants. Elle souligne ainsi que les élèves des communes rurales éloignées sont beaucoup plus souvent orientés vers la voie professionnelle que ceux des communes urbaines denses et que c’est dans les petites villes que le pourcentage de jeunes sans diplôme, 9 ans après leur entrée en 6e, est le plus élevé. De même, un récent colloque de février 2020, « Education et ruralités », a montré des différences marquées entre les jeunes des petites villes ou du monde rural et les jeunes des grandes villes en ce qui concerne les activités extrascolaires, les informations détenues sur les orientations scolaires et professionnelles envisageables, les ambitions d’études supérieures, la mobilité bien sûr, voire la familiarité avec Internet. Autre pierre à l’édifice, en ce mois de mars 2020, Salomé Berlioux, qui avait cosigné avec J. Fourquet et J. Peltier une étude remarquée sur les inégalités constatées entre le monde urbain et le monde rural, « Jeunes des villes, jeunes des champs, la lutte des classes n’est pas finie », a remis au ministre de l’Education nationale un rapport « Orientation et égalité des chances dans la France des zones rurales et des petites villes ». Elle y explique que, si les résultats obtenus jusqu’au collège sont assez comparables, au-delà, et notamment après le baccalauréat, les inégalités augmentent. Elle propose un effort particulier dans le domaine de l’orientation et de l’information des élèves, l’institution d’un « mentorat », une politique d’attribution de stages de 3e et d’engagements au sein du service civique pour les jeunes de ces territoires (l’objectif est qu’ils puissent sortir d’un milieu trop peu ouvert) ainsi qu’une politique destinée à faciliter la mobilité, notamment en facilitant l’obtention du permis.

 

Le paysage est donc désormais dessiné. Tout reste à faire cependant pour concrétiser ces orientations qui tendent à prendre en compte de manière plus souple et plus diversifiée les inégalités territoriales. Que retiendra-t-on, pour les établissements REP +, des propositions du rapport Mathiot Azéma de meilleure affectation et de meilleure formation des enseignants ? Comment seront définis les moyens dont disposeront les recteurs pour le réseau qu’ils choisiront d’aider, comment seront calibrées les attributions, les besoins étant sans doute spécifiques en milieu rural et différents de ceux des « Quartiers prioritaires » traditionnels ? C’est bien là l’inconnue : le ministre a annoncé que la carte de l’éducation prioritaire ne changerait pas avant 2021 mais l’on ne sait trop, des propositions remises, quelles seront les mesures retenues. Au final, en ce qui concerne la lutte contre les inégalités scolaires, il devient possible que le quinquennat s’en tienne au dédoublement des classes de CP et CE1, excellente mesure mais, malgré tout, un peu courte.