Préparation de la loi 3D, décentralisation, différenciation, déconcentration

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Préparation de la loi 3D, décentralisation, différenciation, déconcentration

Lors de sa conférence de presse du 25 avril dernier sur les conclusions à tirer du Grand débat, le Président de la République s’est engagé à mettre en route un nouveau mouvement de décentralisation. Dans le prolongement de cet engagement, le projet de loi constitutionnelle adopté par le conseil des ministres en août 2019 prévoit que l’ensemble des collectivités pourront bénéficier d’un « droit à différenciation » si la loi le prévoit, pour exercer d’autres compétences que celles relevant de leur nature. Elles pourront être habilitées par décret à déroger à certaines règles régissant leurs compétences. La mesure amende la conception première de la décentralisation, assise sur l’uniformité des compétences, et va au-delà du droit à expérimentation institué par la révision constitutionnelle de 2003, qui ne pouvait déboucher que sur une généralisation ou un abandon. Pour autant, personne ne se fait trop d’illusion sur l’ampleur d’un tel changement : le texte du projet de loi constitutionnelle indique que le nombre des compétences transférées à certaines collectivités sans l’être de manière générale à toutes les autres devra être « limité », tout comme celui des dérogations aux normes.

Les attentes se sont donc reportées sur la préparation d’un projet de loi « Décentralisation, différenciation et déconcentration », qui devrait être examiné en 2020. Pour autant, là aussi, les annonces de l’Etat ne permettaient guère aux collectivités d’espérer bénéficier de transferts de « blocs de compétences » importants, comme certaines le souhaitaient pourtant, les départements dans le domaine de la solidarité ou de la santé, les régions dans celui de l’emploi et de la formation professionnelle. L’Etat évoquait plutôt un partage entre les compétences de proximité dévolues aux collectivités (le développement économique des territoires, le sport ordinaire, le logement, les transports du quotidien, la mise en œuvre de la transition écologique au niveau local) et les compétences stratégiques que l’État garderait (le suivi des grandes filières économiques, l’aide à l’innovation, le sport de haut niveau, l’aménagement du territoire). La récente circulaire du 15 janvier 2020, où le Premier ministre définit le cadre de négociation de la future loi avec les collectivités territoriales, semble effectivement avoir arbitré en ce sens : il y est affirmé d’abord que les collectivités seront pleinement responsables des nouvelles compétences qui leur seront reconnues, y compris financièrement : elles devront arbitrer avec les leviers financiers dont elles disposeront. Le gouvernement ne souhaite pas que, comme cela a été le cas pour le RSA, les collectivités demandent périodiquement un ajustement des accords financiers de départ. La circulaire précise que les modalités de l’extension de leurs compétences pourront être diversifiées : transfert de compétences traditionnel, délégation temporaire, contractualisation, expérimentation, participation à la gouvernance d’un service. Le dispositif sera donc plus souple, avec de possibles retours en arrière, et les collectivités ne seront pas indéfiniment maitresses de certaines compétences nouvelles. Le champ concernera prioritairement le logement (notamment la gestion des aides à la pierre destinées au logement social), les transports et la transition écologique. Toutefois, dans les limites où le droit l’autorise, le transfert de compétences pourra varier selon les collectivités et s’étendre, si elles le souhaitent, à la santé scolaire, à certains aspects du sport ou de la politique culturelle, à une part du réseau national routier ou ferroviaire qui présente un intérêt local ou régional et aux voies navigables secondaires. Le projet n’est pas à négliger : mais les collectivités y sont davantage considérées comme des auxiliaires de l’Etat, qui assumeront des compétences importantes localement mais non essentielles sur le plan national. Ce n’est pas le grand soir de la décentralisation.