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Finances publiques, dégradées mais jusqu’où?

Dans la loi de programmation 2018-2022, votée au début du quinquennat, il était prévu de baisser les dépenses publiques de 56,1 à 51,6 points de PIB, de faire passer le solde public de 2,8 à 0,3 points et le solde structurel de 2,1 à 0,8. L’ambition était forte : pour atteindre ces résultats, l’effort à fournir était colossal, sans commune mesure avec ceux effectués dans le passé.

Compte tenu de la crise sociale des gilets jaunes et du renversement de politique décidé en 2019, le rapport économique, social et financier qui accompagne le PLF 2020 s’est écarté notablement de la loi de programmation : l’amélioration prévue des divers agrégats de finances publiques y était désormais très ralentie, même si les prévisions continuaient d’aller dans le bon sens. En l’occurrence, c’est la démarche même d’assainissement des finances publiques qui a semblé passer au second plan.

Les décisions prises à la suite de la crise actuelle sont plus graves. Suite à l’épidémie de coronavirus, la loi de finances rectificative du 23 mars 2020 dégrade les prévisions de croissance 2020 (de 1,3 % à -1 %) comme celles du solde public, fixé précédemment à -2,2 points de PIB et désormais à -3,9 points, avec d’inévitables répercussions sur le montant de la dette publique, qui va croître. L’avis du Haut conseil des finances publiques sur ce texte a été réservé : il souligne que les hypothèses prises (un mois seulement de graves perturbations de l’activité, une reprise ensuite, un solde structurel non affecté) lui paraissent très incertaines. De fait, rien ne garantit que la baisse de la croissance se situera à ce niveau et il est probable que pouvoirs publics seront amenés, comme cela a été le cas en 2008, à accepter une nette dégradation des finances publiques pour atténuer les conséquences économiques et sociales d’une crise sans précédent. Toutefois, ils seront sans doute aidés par les décisions prises au niveau européen : même s’il s’agit là d’une mesure au final symbolique dans la tourmente qui saisit les pays européens, la Commission européenne a suspendu le 20 mars le Pacte de stabilité, ce qui transforme l’esprit de l’alliance européenne. La Commission réfléchit également à la possibilité d’utiliser le mécanisme européen de stabilité, mécanisme d’aide aux Etats qui ne pourraient financer leur dette sur les marchés financiers : ce dispositif peut intervenir, avec un fonds alimenté par les États, pour accorder des prêts ou une assistance financière, sous contreparties. La Banque centrale européenne a également annoncé un rachat massif de dettes des Etats et des entreprises et la Commission réfléchit au moyen d’encourager la relance. L’Europe avancera peut-être, à cette occasion, vers une gestion de crise plus collective et moins axée sur l’orthodoxie budgétaire, même s’il est douteux qu’elle aille vers une mutualisation des dettes.