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Parcoursup : la transparence, enfin

La loi du 8 mars 2018 instituant une procédure nationale de préinscription dans les établissements d’enseignement supérieur a prévu que les dispositions du Code des relations entre le public et l’administration seraient réputées satisfaites dès lors qu’un candidat serait informé qu’il peut obtenir communication des critères sur lesquels sa candidature a été examinée et des motifs pédagogiques justifiant la décision prise.

En clair, cette disposition signifie que, contrairement aux dispositions du Code évoqué, qui imposent communication au public des algorithmes qui fondent, en tout ou en partie, une décision administrative individuelle, un établissement d’enseignement supérieur n’a pas à communiquer l’algorithme sur lequel il s’est éventuellement appuyé pour opérer un premier tri des candidatures. Cela revient à imposer l’idée que, dans une délibération universitaire, l’algorithme est totalement second (au point qu’on peut ne pas le communiquer) et l’examen du jury absolument déterminant.  Or, la réalité est souvent probablement inverse. L’algorithme est prédominant et la délibération du jury l’entérine.  Certes, les candidats qui en font la demande peuvent obtenir une information concernant les critères utilisés pour l’examen de leur candidature et les motifs pédagogiques qui justifient la décision. Mais les informations communiquées leur sont réservées et ne sont pas publiques.

Saisi d’une QPC par l’Union nationale des étudiants de France, qui considère qu’il s’agit là d’un manquement aux obligations constitutionnelles de transparence des décisions administratives (article 15 de la DDHEC), le Conseil constitutionnel a rendu, le 3 avril 2020, une décision compliquée. Il aurait pu considérer que la disposition en cause n’était pas conforme à la Constitution. Il n’en fait rien : il considère même que, en protégeant le secret des délibérations d’une équipe pédagogique qui reposent, de manière non dissociable, à la fois sur l’algorithme et sur l’examen individuel du dossier, la loi est conforme à la Constitution, puisque le législateur peut apporter des limitations aux obligations constitutionnelles si elles sont justifiées par l’intérêt général. Cependant, il revient ensuite sur cette construction ou, du moins, juge que ce dispositif, en ne communiquant qu’au seul candidat et non au public les critères qui fondent une admission, apporte à l’obligation de transparence une atteinte disproportionnée au regard de l’intérêt général qui la fonde. Dès lors, il s’en tire par une réserve d’interprétation : la disposition en question est constitutionnelle mais elle ne dispense pas de publier, à l’issue de la procédure, les critères sur lesquels les décisions d’admission ont été fondées et la place qu’y a occupé le recours à un algorithme. Tout le monde est content : le ministère, qui proclame que le Conseil constitutionnel a validé la loi (c’est formellement vrai) et les représentants des étudiants, qui ont gagné puisque l’algorithme, contrairement à ce que prévoyait la loi, sera obligatoirement public. La notion de réserve d’interprétation est alors utilisée à plein régime : pour la résumer, la loi ne dit pas ce qu’elle dit. Mais l’essentiel, c’est le résultat : elle ne s’appliquera pas.