L’Union compte parmi ses membres un pays qui n’est plus une démocratie

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L’Union compte parmi ses membres un pays qui n’est plus une démocratie

Le Parlement hongrois a accordé le 30 mars dernier au Premier ministre, Viktor Orban, le droit de légiférer par décret au nom de la lutte contre la pandémie de coronavirus. Cet état d’urgence a été adopté pour une durée non précisée, donc potentiellement indéfinie, et sans contrôle. Non seulement le Premier ministre va pouvoir mettre en place des normes de valeur législative mais il pourra également en abroger d’autres ou suspendre leur mise en œuvre. De plus, la diffusion de fausses nouvelles et de « rumeurs » liées au virus, y compris par des journalistes, est désormais punie de 5 ans de prison.

 Naturellement, les autorités européennes ont protesté : la secrétaire générale du Conseil de l’Europe l’a fait, par lettre, rappelant que les mesures d’urgence décidées à la suite d’une pandémie doivent être proportionnées à la situation et donc être limitées dans le temps et contrôlées et ne doivent pas porter atteinte à la liberté d’expression. La Présidente de la Commission européenne s’est dite, oralement, préoccupée par la situation en Hongrie.

La Hongrie a dans un passé récent (novembre 2019) fait l’objet de sanctions financières (1,5 Mds) mais pour gestion irrégulière des fonds européens. En septembre 2018, le pays avait déjà été « à l’agenda » des institutions européennes au titre de l’article 7 du traité, dont le Parlement voulait « l’activation », pour violation des valeurs fondatrices de l’Union. Selon la procédure, le Conseil devait se prononcer ensuite pour savoir d’abord s’il engageait la procédure de l’article 7 (vote aux 4/5e) puis, ensuite, s’il engageait des sanctions pour violation de l’état de droit (à l’unanimité, suspension du droit de vote du pays sanctionné). Pour l’instant, 18 mois après le vote du Parlement, les ministres européens ont tenu deux auditions avec le gouvernement hongrois, en septembre et décembre 2019, et on en est resté là. En réalité l’Union n’a pas envie de sanctionner Orban, qui fait encore partie du principal parti du Parlement, le PPE (parti populaire européen), même s’il est menacé d’exclusion. L’impuissance de l’Union et sa mollesse encourage bien évidemment les provocations des pays « illibéraux », qui ont compris qu’ils bénéficient de l’impunité. Pire, certains analystes soutiennent que c’est grâce aux aides de l’Union qu’Orban peut se maintenir au pouvoir, même si ses proches en détournent une partie. La distorsion entre les valeurs proclamées et les valeurs pratiquées est un des nombreux signes d’une Europe qui n’en finit plus de se déliter sans que personne ne réagisse, que, peut-être, le Parlement et quelques leaders isolés.