Les inégalités du confinement

Comptes de l’enfance : des familles modestes mieux prises en compte
12 avril 2020
Le marché du travail pendant la crise
19 avril 2020

Les inégalités du confinement

La revue électronique « Métropolitiques », qui traite de la ville et des territoires, publie le 16 avril 2020 un long article sur le COVID-19 et les quartiers populaires, qui ont plus de mal que les autres à affronter le confinement et ses conséquences. L’article frappe non pas par l’originalité du constat (l’on prend conscience depuis plusieurs semaines que la crise sanitaire accroît les inégalités sociales) mais par sa force d’évocation. Personne ne sait si les quartiers populaires ont moins bien respecté le confinement que d’autres mais l’accusation a été émise, notamment le 18 mars dernier, avec l’information selon laquelle 10 % des P-V dressés pour non-respect des règles l’avaient été en Seine-Saint-Denis : or, les statistiques policières mesurent moins la délinquance que l’activité des policiers, sans doute ciblée sur les quartiers soupçonnés de désobéissance. Mais, si les règles avaient effectivement été moins suivies, il y aurait, pour le moins, des explications.

Parmi elles, le surpeuplement des logements, qui a diminué en France (de moitié entre 1984 et 2006) mais touche encore 8 % de la population. Dans les ménages du premier décile de revenu, au rebours de la tendance de fond, le surpeuplement a augmenté de 2006 à 2013 (où il est passé de 24 à 30 % des ménages).  C’est dans les grandes agglomérations qu’il est le plus fréquent, touchant un ménage sur 5, y compris dans les logements sociaux (17 %), a fortiori dans les QPV (22 %, un tiers en Région parisienne). Ce qui illustre le mieux cette notion, c’est la différence, dans les communes populaires, entre les « pavillons » et les « cités ». Les premiers sont plus souvent occupés par des propriétaires, qui ont des lieux de respiration pour les membres de la famille, jardin, garage, petit atelier, où ils mènent des activités intermédiaires entre travail et loisir. Les habitants des cités ne disposent pas en permanence de ces lieux de refuge et d’espace personnel. Ils peuvent les avoir en alternance (la chambre des enfants qui sert de bureau quand les enfants sont à l’école, le balcon quand personne n’est là, la cuisine quand tout le monde est couché) mais n’ont pas « ce lieu à soi » permanent qui permet de s’aérer. Ou alors ils le trouvent dehors, dans des recoins de hall, des squares ou des bouts de trottoirs, d’où la « culture de la rue » chez les adolescents qui représente leur soupape.

La surmortalité liée au virus constatée en Seine-Saint-Denis est sans doute davantage liée aux très fortes inégalités sociales de santé en France.

Les habitants des quartiers populaires ont eu aussi sans doute plus de mal à s’approprier les consignes que les quartiers aisés mais il faut dire qu’il a existé des flottements et de l’incohérence dans les décisions. Cela n’a pas facilité la compréhension des règles de confinement. De plus, les habitants ont davantage continué à travailler que les cadres (près de 40 % des ouvriers et employés sont restés au travail) et ont continué à utiliser des transports publics où la « distanciation » n’est pas toujours possible, ce qui accroît leur moindre attention au risque.

Enfin, ce sont les policiers qui ont été chargés de faire appliquer les consignes sanitaires. L’on sait que leurs relations avec la population sont tendues. Le fonctionnement ordinaire de la police dans les quartiers populaires est répressif, souvent abusif, parfois violent, mal toléré en tout cas. Les amendes (135 euros pour la première) sont exorbitantes pour un budget très modeste. La politique de lutte contre le virus paraît au final vraiment trop indifférente aux inégalités qu’elle révèle.