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Prix du pétrole : la descente aux enfers

Le prix du pétrole, reflet de l’activité économique mondiale et de la production, a toujours connu des hauts et des bas : le prix du baril est ainsi passé de 113 dollars en 2014 à 27 dollars début 2016 puis est remonté à 85 dollars en octobre 2018. Du fait de la pandémie du coronavirus, l’effondrement de la demande chinoise, qui représente près de 14 % de la consommation mondiale, a provoqué une chute des prix en mars 2020. Celle-ci a été d’autant plus forte (le prix du baril a atteint 25 dollars le 18 mars, 13 dollars en avril) que, concomitamment, les Russes et les Saoudiens ne sont pas parvenus à se mettre d’accord sur une baisse volontaire de la production, les Russes arguant, à juste titre, que les efforts des pays de l’OPEP pour limiter leur production et maintenir des prix hauts ne font que favoriser la production du pétrole américain, premier producteur mondial, dont le prix de revient est élevé compte tenu des conditions d’extraction. Les principaux pays producteurs, dont la Russie, ont donc plutôt misé depuis mars sur l’effondrement des cours pour nuire aux Etats-Unis, au moment même où le confinement s’étendait à de nombreux pays.  La très forte baisse des prix résultant de cette conjonction a alors causé de vives inquiétudes chez certains producteurs déjà en crise économique, sociale ou politique, l’Algérie, l’Irak, le Nigéria, l’Iran. L’inquiétude est vive aussi aux Etats-Unis, où une baisse des prix durable ne permettrait pas de couvrir les frais de production, vive aussi chez les grandes entreprises pétrolières.  L’on a vu alors combien il était difficile de réguler un marché avec, d’un côté, un cartel, l’OPEP, qui joue sur la production pour réguler les prix et de l’autre, un producteur comme les Etats-Unis qui ne veut que produire beaucoup.

Le 12 avril 2020, un accord est intervenu entre pays producteurs OPEP et Russie, avec, à partir de mai, une baisse de la production de 10 %. Pour aider à la conclusion de l’accord, les autres pays (la Chine, les Etats-Unis) ont indiqué qu’ils augmenteraient leurs réserves. La mise en place de cet accord, conjugué à l’annonce du déconfinement, a provoqué fin avril une remontée des cours, dont les spécialistes pensent toutefois qu’elle ne sera pas durable, la demande restant sans doute atone ou faible pour un bon moment. Restent plusieurs interrogations si les cours restent bas : quelle sera l’ampleur des dégâts sur la production américaine, alors qu’il s’agit là d’un axe de la politique économique de Trump? Certains économistes (Patrick Artus) pensent que cette baisse de prix constituera un « choc colossal » pour l’industrie pétrolière américaine et qu’elle ne s’en remettra pas. Quelles conséquences aussi sur les autres pays producteurs, dont certains sont pauvres et peu développés ? Sur les grandes compagnies pétrolières ? Enfin, quid de la volonté des signataires de l’accord de Paris de réduire leur dépendance au pétrole ? C’est sans doute une occasion à saisir (la crise est là, on peut repartir sur des bases nouvelles) mais le prix bas du pétrole n’est traditionnellement pas une bonne nouvelle pour les politiques de lutte contre le changement climatique.