Augmenter le temps de travail, approche idéologique ou nécessité?

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Augmenter le temps de travail, approche idéologique ou nécessité?

L’Institut Montaigne, think-tank libéral proche du Président de la République, entend proposer, en sortie de confinement, une « politique de l’offre » reposant sur une augmentation du temps de travail. La note publiée en mai 2020 sur ce sujet annonce vouloir éviter tout manichéisme : elle justifie ses propositions non pas par la focalisation traditionnelle de la droite contre les 35 heures, mais, pour le secteur privé, par la désorganisation des processus de production générée par les précautions sanitaires obligatoires en milieu de travail et, pour l’Education nationale, par la nécessité de rattraper deux mois d’enseignement perdus. Par ailleurs, la note dit être consciente que la situation ne sera pas identique selon les secteurs et affirme s’en remettre largement au dialogue social pour mettre en place les mesures préconisées.

Cependant les propositions portent plutôt sur l’assouplissement des textes sur la durée du travail ou sur des mesures unilatérales, ce qui ne correspond pas vraiment aux intentions affichées. La note propose en effet que la loi donne à l’employeur la possibilité d’imposer le rachat de  jours de RTT ou de déroger (cette fois-ci par accord collectif) aux règles relatives au repos quotidien de 11 heures et au repos compensateur accordé au-delà du contingent d’heures supplémentaires (le contingent est une enveloppe maximale d’heures supplémentaires annuelles fixée par accord collectif ou, à défaut, à 220 heures, au-delà de laquelle les heures supplémentaires ne sont pas seulement rémunérées davantage mais donnent lieu en plus à l’octroi d’un repos compensateur). Ces propositions permettaient à l’employeur de financer l’augmentation du temps de travail par la réduction des avantages consentis jusqu’ici aux salariés par la loi. Elles tendent également à permette que la rémunération de ce temps de travail supplémentaire puisse être différée et versée sous forme d’épargne salariale ou de participation. Le Jeudi de l’ascension serait supprimé, les fonctionnaires travaillant dans certains secteurs pourraient choisir d’augmenter leur temps de travail avec augmentation de la rémunération, la durée et l’aménagement du temps de travail dans la fonction publique pourraient être revus (on est là dans une mesure très nouvelle), le nombre de jours de RTT pour les cadres publics au forfait serait temporairement diminué sans compensation et la première semaine des vacances de la Toussaint serait supprimée en 2020.

Les organisations syndicales se méfient de la démarche, considérée comme manipulatrice. Elle ne viserait pas seulement à permettre un allongement du temps de travail (qui est aujourd’hui possible temporairement, avec ou sans accord collectif) mais à tirer avantage de la crise pour assouplir de façon pérenne la réglementation sur le temps de travail et sur les avantages prévus en cas d’allongement du temps de travail pour le salarié. Elles soulignent aussi que les enjeux de demain sont certes la reconquête de leurs marchés par les entreprises mais aussi la lutte contre le chômage : le recours aux heures supplémentaires s’avère alors peu favorable à l’emploi. L’Institut Montaigne n’est, de fait, pas très convaincant. Il ne plaide pas pour la relance, il plaide (c’est son choix) pour l’assouplissement de la loi : ce n’est pas la même chose.