Place des dépenses de logement dans l’indice des prix à la consommation : un débat très politique

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Place des dépenses de logement dans l’indice des prix à la consommation : un débat très politique

Dans son récent ouvrage paru en février dernier, « Les luttes de classe en France au XXIe siècle », Emmanuel TODD attaque violemment l’Insee, l’accusant, entre autres, parce qu’elle est rattachée au ministère des Finances et serait donc à la solde du pouvoir, de minorer l’inflation et, notamment, le coût du logement dans le budget des Français. Il reprend ainsi une accusation plus ancienne de l’économiste Philippe Herlin qui, dans un livre de 2018 « Pouvoir d’achat, le grand mensonge » soulignait que la part du logement dans l’indice des prix à la consommation (6 %) était ridiculement sous-évaluée, le logement représentant entre 15 et 20 % de la consommation des ménages. L’Insee a répondu sur son blog, qui lui sert désormais à s’expliquer sur des points sensibles ou mal compris.

Premier point en faveur de l’Insee, l’accusation d’Emmanuel Todd de mensonge d’Etat visant à cacher la réalité est ridicule. La statistique française dépend, c’est vrai, d’une direction du ministère de l’Economie et des finances mais ce rattachement n’implique aucune dépendance ou alors personne ne se servirait plus des données produites. En l’occurrence, une Autorité de la statistique publique veille à l’indépendance de la production de l’Insee, qui doit de plus s’inscrire dans le cade des statistiques européennes. Le cas de l’Insee n’est d’ailleurs pas isolé : les ministères sociaux (travail et solidarité) disposent de directions des études et de la recherche qui produisent des travaux rigoureusement indépendants de l’autorité politique : l’on a vu ainsi la DARES expliquer l’inefficacité des emplois aidés sur l’insertion alors même que le ministère les présentait comme un axe essentiel de sa politique de l’emploi ou la DREES dénoncer de manière prémonitoire, en 2016, la pénibilité des conditions de travail en EHPAD et la maltraitance institutionnelle des résidents.

Quid de la question technique de la place du logement dans l’indice des prix ? De fait, 6 % pour la place des loyers dans l’indice de la consommation, cela paraît très peu, même si la proportion passe à 14 % quand on y inclut l’ensemble des charges. L’Insee se défend en indiquant d’abord qu’elle applique une méthodologie européenne définie par règlement et appliquée par tous ses homologues. Surtout, elle indique que 4 ménages sur 10 seulement sont locataires et que, de ce fait, le poids des loyers qu’ils payent (20 % en moyenne de leurs dépenses de consommation) est amoindri dans un indice national ou 6 ménages sur 10 sont censés ne supporter aucune charge :  l’on apprend en effet à cette occasion que les propriétaires, même en accession (2 ménages sur 10), ne sont pas considérés comme supportant des charges de logement mais comme investissant pour se constituer un patrimoine. L’on pourrait certes raisonner autrement…et considérer que les propriétaires, en remboursant leurs prêts, font des dépenses de consommation. Ce n’est pas l’option choisie et, de fait, on comprend pourquoi, sachant que toute statistique est conventionnelle. Par ailleurs, il faut prendre l’indice des prix à la consommation pour ce qu’il est : un indice national, qui reflète des moyennes nationales. Attention aussi, les 6 % (ou 20 % de dépenses pour les  locataires) représentent la part des dépenses de loyer dans la consommation totale, pas le taux d’effort (part des revenus consacrée au loyer), qui est sans doute la statistique qui présente le plus d’intérêt pour les politiques sociales du logement.

Dont acte : Emmanuel TODD a tort.