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Finances sociales: une rupture sans précédent

Le gouvernement a préparé deux projets de loi, un projet de loi organique et un projet de loi ordinaire, pour transférer à la Caisse d’amortissement de la dette sociale, établissement public qui, avec les recettes dont il dispose, gère et amortit la dette qui lui est confiée, un montant de 136 Mds : 31 Mds pour reprendre le déficit au 31 décembre 2019 des branches ou régimes alors déficitaires (branche maladie du régime général, FSV, CNRACL et assurance vieillesse de la MSA) ; 92 Mds pour prendre en charge un déficit prévisionnel du Régime général, du FSV et de la branche vieillesse de la MSA de 2020 à 2023 ; enfin, ce qui représente une mission tout à fait nouvelle pour la CADES, 13 Mds pour aider les établissements publics de santé à financer leurs investissements en prenant en charge une partie de l’amortissement de leurs emprunts. La durée d’existence de la CADES, fixé à 2024 actuellement, sera donc prolongée jusqu’en 2033.

Le dernier transfert massif de nouvelles dettes à la CADES (incluant également une dette prévisionnelle du régime général dans l’attente de la montée en charge de la réforme des retraites décidée en 2010) date de 2011.

En l’occurrence, il y avait urgence à agir : le seul déficit prévisionnel du Régime général pour 2020 est estimé à 41 Mds, estimation qui semble à certains trop optimiste. Or, les régimes, même s’ils ont l’autorisation d’emprunter dans la limite d’un plafond, ne sont pas faits pour gérer des dettes aussi importantes qui créent des trous de trésorerie dans l’année et, au demeurant, sont incapables de les amortir.

Le Conseil d’État, dans l’avis remis sur ces projets, valide la démarche, au prix d’importantes mises en garde : pour l’instant, aucune nouvelle ressource n’est affectée à la CADES, qui dispose actuellement d’un versement annuel du Fonds de réserve des retraites, qui sera prolongé jusqu’en 2033, de la CRDS et d’une fraction de la CSG. Le Conseil rappelle à plusieurs reprises dans son avis qu’il appartiendra à la prochaine loi de financement de la sécurité sociale, en vertu de l’ordonnance du 24 janvier 1996 créant la CADES et de la loi organique régissant les LFSS, de tirer, le cas échéant, les conséquences de ce transfert en termes d’affectation de ressources à la CADES, afin de respecter le terme fixé pour la durée d’amortissement. Par ailleurs, pour respecter le principe constitutionnel d’égalité de traitement, le Conseil considère que l’aide aux investissements hospitaliers doit être étendue aux établissements de santé privés d’intérêt collectif qui assurent le service public.

La question la plus importante (à laquelle il n’est pas possible aujourd’hui d’apporter une réponse) porte sur le déséquilibre des comptes sociaux à moyen et long terme. Sur le court terme, le déficit est dû à un effondrement de la masse salariale, à l’augmentation très forte, pour la branche maladie, des dépenses pour faire face à la crise sanitaire et aux dépenses des établissements de santé et, pour le régime d’assurance chômage (le déficit 2020 de ce régime devrait passer de 1,5 Mds à 13,5 Mds, accroissant une dette déjà colossale), à la prise en charge du chômage partiel. Une note de mai 2020 du Haut conseil du financement de la protection sociale rappelle que, fin 2019, bien que la situation des finances du régime général ait été moins favorable que prévu cette année-là, le retour à l’équilibre apparaissait comme une perspective atteignable à moyen terme, éventuellement en 2023. Or, le déficit dépassera 40 Mds en 2020 alors que jusqu’ici, il n’avait dépassé qu’une fois les 10 Mds, en 2009. Le Haut conseil s’inquiète de la poursuite de la crise qui impactera l’ensemble des régime sociaux, montée du chômage et de la pauvreté, faillites et baisse de revenus des travailleurs indépendants, baisse de la masse salariale, risques d’augmentation des dépenses maladie. Il annonce vouloir travailler rapidement sur la mesure de l’impact de cette crise sans précédent.