Expliquer la réussite du Printemps marseillais

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Expliquer la réussite du Printemps marseillais

La Fondation Jean Jaurès publie le 1er août 2020 une note d’analyse de la réussite du « Printemps marseillais » aux élections municipales de 2020 (https://jean-jaures.org/nos-productions/comment-la-gauche-neo-marseillaise-a-ejecte-la-bourgeoisie-locale). Comment une médecin inconnue du grand public est-elle devenue maire de Marseille après 25 ans de mandat de J-C Gaudin et de la droite ? Deux facteurs expliquent cette réussite inattendue : d’abord le fort désir de changement d’un électorat motivé, composé de professions intellectuelles et de jeunes diplômés, implanté surtout dans les quartiers centraux, qui se sont appuyés en particulier sur des « néo-marseillais » installés dans la ville plus ou moins récemment ; ensuite un contexte de forte abstention.

Regardons d’abord la seconde cause. Les chiffres sont frappants : Marseille compte 870 000 habitants, un peu plus de 500 000  inscrits sur les listes électorales. Seuls 170 000 citoyens ont voté, dont au premier tour, 39 000 pour le Printemps marseillais qui a réuni 66 000 voix au second tour. Dans ce contexte, quelques milliers d’électeurs motivés ont ainsi fait basculer la ville…

Les nouveaux élus, enseignants, urbanistes, sociologues, souvent habitants plus récents, remplacent des restaurateurs, des commerçants et des promoteurs immobiliers, implantés de longue date, qui se disent attachés à leur ville alors que les nouveaux habitants le sont de manière moins traditionnelle. Le clivage gauche droite n’explique pas tout à fait cette victoire : il s’agit aussi du refus de la politique à l’ancienne pratiquée par les élus marseillais de tous bords et d’un « dégagisme » qui refuse le clientélisme et la primauté de l’intérêt personnel sur le bien commun.  Cette propension à voter pour le « changement » a été plus forte dans les quartiers dont la population s’est le plus fortement renouvelée depuis les précédentes élections : ce sont les « néo-marseillais », souvent plutôt jeunes, relevant de classes moyennes ou supérieures, disposant d’un capital culturel plus qu’économique qui représentent l’élément dominant du mouvement. Ils sont certes divers (il peut s’agir de « natifs » qui ont vécu ailleurs ou de nouveaux venus qui ont choisi de s’installer à Marseille) mais ils ont des points communs : ils aiment la vie « en ville » (moins les quartiers de résidences de standing ou pavillonnaires) et ont été choqués par les pratiques de la classe politique au pouvoir, par le mal logement, les problèmes de pauvreté et de saleté de la ville que les habitants plus anciens supportent avec davantage de fatalisme. Le Printemps Marseillais s’est ainsi bien implanté dans le centre et dans certains quartiers du sud de Marseille, dessinant une nouvelle géographie électorale, moins dans les quartiers nord et est, plus fidèles à la droite et au RN. Deux visions de la politique, deux visions de la ville…A suivre.