Qui soutient le professeur Raoult?

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Qui soutient le professeur Raoult?

La Fondation Jean Jaurès présente les résultats d’une enquête d’Antoine Bristielle, professeur de sciences sociales, réalisée auprès de 1000 personnes membres des groupes Facebook de soutien au professeur Raoult (https://jean-jaures.org/nos-productions/enquete-chez-les-soutiens-du-professeur-raoult).

Sans surprise, la première caractéristique de ces soutiens est une forte défiance à l’égard des institutions, plus forte que dans le reste de la population française. Le score le plus impressionnant est celui de la confiance envers le Président de la République (4 % contre 34 % dans la population générale). De même, la confiance dans l’information donnée par les médias est faible, moins s’agissant des journaux papier que pour celle diffusée par la télévision (7 % contre 29 % chez les Français dans leur ensemble). L’utilisation de l’échelle d’Akerman, qui définit notamment le populisme par la valorisation du peuple vertueux contre les élites corrompues, permet de démontrer que les soutiens du professeur Raoult sont clairement populistes : l’affirmation « c’est le peuple qui doit prendre directement les décisions les plus importantes » recueille 73 % d’approbation contre 58 % en population générale et celle « le compromis est un abandon des principes » emporte 64 % d’approbation contre 45%.

La surprise de l’enquête vient plutôt de la comparaison sociologique avec le mouvement des Gilets jaunes. Les cadres et professions supérieures représentent 42 % des soutiens à D. Raoult, beaucoup plus que leurs poids dans la population générale (18 %) et parmi les Gilets jaunes (12 %). Les soutiens du professeur Raoult sont plutôt âgés (80 % de plus de 50 ans), et c’est une population féminisée (60 %). Ils sont un peu plus abstentionnistes que la population dans son ensemble mais beaucoup plus intéressés par la politique (64 % contre 40 %). Leurs opinions politiques se répartissent de manière plutôt équilibrée sur l’échiquier politique, avec un léger tropisme à droite, ce qui les différencie également des gilets jaunes plus tentés par les extrêmes. Ils n’ont d’ailleurs pas particulièrement voté en 2017 pour les partis dits populistes, RN ou La France insoumise.

La vraie particularité est que cette population s’informe massivement sur Internet (à 74 %)     et sur les réseaux sociaux (à 28 %), particularité d’autant plus étonnante qu’il s’agit d’une population plutôt âgée. Or, l’on sait que, lorsque l’information recueillie sur les réseaux sociaux n’est pas confrontée à d’autres sources, elle enferme les personnes dans des bulles cognitives où disparaissent doute et esprit critique. Ce phénomène explique pourquoi les articles ou études relatifs à la faible efficacité des remèdes préconisés par le Professeur Raoult contre le COVID-19 n’altèrent pas l’adulation de ses soutiens, un peu comme pour les soutiens de D. Trump, qui restent indéfectiblement attachés puisque les analyses critiques ne leur parviennent pas ou, par définition, leur apparaissent truquées.

Enfin, les soutiens au professeur Raoult sont « complotistes ». A 89 %, ils pensent que le Ministère de la santé est de mèche avec l’industrie pharmaceutique pour cacher la vérité sur les vaccins,  à 43 % ils adhèrent à la théorie du grand remplacement et à 53 % ils croient aux illuminati (existence d’une société secrète qui manipule le monde entier).

Le populisme a plusieurs branches…et tout le corps social est touché.