A quoi sert un haut commissaire au plan?

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A quoi sert un haut commissaire au plan?

Le décret 2020-1101 du 1er septembre 2020 institue un haut-commissaire au plan, chargé d’animer  et de coordonner les travaux de planification et de réflexion prospective conduits pour le compte de l’Etat et d’éclairer les choix des pouvoirs publics au regard des enjeux démographiques, économiques, sociaux, environnementaux, sanitaires, technologiques et culturels. F. Bayrou vient d’être nommé à ce poste.

Que nous apprend la lecture du décret du 1er septembre ?

D’abord que la nostalgie du Commissariat au plan perdure, dont on sait qu’il a été créé en 1946 par le Général de Gaulle pour reconstruire le pays. Aujourd’hui, la planification n’existe plus : le dernier plan quinquennal s’est achevé dans les années 90 et le Commissariat au plan a été supprimé en 2006 pour être remplacé par un Centre d’analyse stratégique (CAS), voué à la prospective et à l’aide à la décision. Le pays a depuis belle lurette fait le choix du libéralisme, qui, en théorie, prône un Etat subsidiaire. Cependant, il existe à l’évidence une nostalgie d’un Etat interventionniste, colbertiste et bâtisseur, qui élabore des politiques industrielles, favorise l’innovation et impulse le dynamisme économique. La période actuelle se prête bien à cette aspiration, qui, il est vrai, ne relève pas tout à fait du passé : l’Etat s’interpose aujourd’hui entre les entreprises et la crise sanitaire en prétendant non seulement relancer l’activité mais procéder à une « reconstruction » sur des bases nouvelles.

Toutefois, le décret nous dit ensuite que, si l’on recrée la fonction de haut-commissaire, on ne recrée pas de Commissariat au plan. Le décret indique que le haut-commissaire « dispose du concours de France-stratégie », un organisme d’expertise et d’analyse prospective placé auprès du premier ministre, qui a remplacé le CAS en 2013 et dont le nom officiel est « Commissariat général à la stratégie et à la prospective ». Lors de la création de France-Stratégie,  la renaissance d’un Commissariat au plan avait déjà été débattue, qui participerait de près à la décision publique et serait associé aux grandes réformes, retraites, amélioration de la compétitivité des entreprises…On en est resté à une réalisation plus modeste : France Stratégie traite d’études et de prospective, au même titre que bien d’autres think-tank publics ou privés, et produit des notes et des rapports de valeur inégale. La question centrale dans ce cadre est le lien de dépendance avec l’Etat, voire la compétence technique de l’organisme : il n’est pas tout à fait indifférent qu’à sa tête, de hauts fonctionnaires aient désormais succédé à un chercheur (J. Pisani-Ferry), certes engagé mais habitué à l’indépendance et porteur d’une vision.

Dans ces conditions, qu’apporte la nomination d’un élu proche du pouvoir, qui a passé sa vie dans le monde politique, à un poste de haut-commissaire s’il est appelé à s’appuyer sur une institution existante ? Réaliser des études prospectives, élaborer des propositions de changement, rien de plus utile, même si les notes produites sont rarement utilisées. Mais il existe déjà une multiplicité d’organismes qui le font, parfois très bien, et le seul regret que l’on puisse avoir, c’est que, comme ils sont souvent soit d’origine universitaire, soit issus de mouvements partisans soit proches de l’Etat voire intégrés à son administration, ce sont rarement des lieux de discussion : ils produisent des avis d’experts mais animent peu le débat public. La présence à la tête de l’un de ces organismes d’un homme politique qui a soif de jouer un rôle auprès du pouvoir apportera-t-il un plus ? Non sans doute. L’on peut même craindre des effets pervers : il ne faut pas confondre l’expertise et la capacité à conseiller le Prince avec l’ambition politique.