Vers un accord national interprofessionnel sur le télétravail?

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Vers un accord national interprofessionnel sur le télétravail?

Ce printemps, l’enquête de la DARES Activités et conditions d’emploi de la main d’œuvre pendant la crise sanitaire indiquait que 25 % des salariés étaient en télétravail  fin avril et que ce nombre n’a baissé que lentement (23 % fin mai, 17 % fin juin, 11 % en juillet). Ces chiffres contrastent avec ceux qui ont été produits par la DARES en novembre 2019, qui témoignaient d’une pratique minoritaire, voire marginale : en 2017, 3 % seulement des salariés (des cadres à 61 %) pratiquaient le télétravail au moins une fois par semaine et 4,2 % occasionnellement. C’est dire combien la pratique a dû se développer rapidement lors de l’épidémie de 2020, dans une certaine improvisation parfois.

Le cadre juridique du télétravail a été défini originellement par un ANI (accord national interprofessionnel) de 2005, transcrit dans le droit par une loi du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit : le principe du volontariat a été arrêté, le télétravail a été défini, de même que les conditions de sa mise en place (accord collectif ou inscription dans le contrat de travail) et les obligations de l’employeur. L’ordonnance du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail a modifié le dispositif : le texte prévoit qu’en période d’épidémie, le télétravail peut être imposé au salarié. La principale nouveauté de l’ordonnance porte sur un assouplissement des formes de l’accord puisqu’elle indique que, en l’absence d’accord collectif ou, à défaut, d’une charte élaborée par l’employeur précisant les modalités d’acceptation du salarié, l’accord entre le salarié et l’employeur peut être formalisé par tout moyen. Il est donc possible alors de passer très souplement en télétravail, par simple e-mail, en cas de grève des transports par exemple.

La DARES note qu’en 2017 2,7 % des entreprises de plus de 10 salariés étaient couverts par un accord collectif de branche ou d’entreprise relatif au télétravail et que dans 13 % des établissements les règles étaient alors définies par accord individuel entre le salarié et sa hiérarchie. L’étude de la DARES montre en outre que 50 % des salariés qui télétravaillaient en 2017 le faisaient dans un cadre informel, sans aucun encadrement juridique, en quelque sorte « à la bonne franquette », ce qui a ses limites lorsque le dispositif se développe. De plus, il existe des débats sur la prise en charge de l’ensemble des coûts professionnels, que le ministère du travail déclare réservée aux salariés couverts par un accord collectif ou par une Charte qui le prévoient, tandis que les représentants des salariés s’appuient sur une disposition de l’accord de 2005 selon lequel les droits des salariés en télétravail sont identiques à ceux des autres salariés pour lesquels l’employeur assume les frais.

Ce constat, joint au développement massif du télétravail pendant la COVID et au bilan tiré à la suite de cette période (qui comporte beaucoup d’aspects positifs mais aussi d’autres qui le sont moins) a conduit les organisations syndicales de salariés à demander dès ce printemps la négociation d’un nouvel ANI pour mieux encadrer le recours au télétravail. Les thèmes à aborder porteraient sur une clarification sur les frais pris en charge (aménagement d’un bureau par exemple), la qualité des outils à disposition, le droit à la déconnexion mais aussi sur l’ampleur du télétravail (avec le souhait qu’il soit, hors circonstances exceptionnelles, à temps partiel).  Cependant, le MEDEF ne veut pas d’un accord collectif qui créerait des obligations nouvelles pour les entreprises, tout en reconnaissant implicitement la nécessité de mieux définir les règles. Il évoque plutôt un guide des bonnes pratiques…qui bien évidemment n’aurait pas le même poids. Quand le patronat préfère l’arrangement aux normes…