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Recours contre les conditions de détention: changer la loi

Le 30 janvier 2020, la Cour européenne des droits de l’homme a une nouvelle fois condamné la France pour traitements inhumains et dégradants en détention et, surtout, pour non-respect du droit effectif à faire cesser ces atteintes : la Cour a incité la France à envisager des mesures générales permettant d’empêcher le surpeuplement en détention et, surtout, à définir un recours préventif permettant aux détenus de s’opposer à la continuation de la violation de leurs droits.

Cette décision a conduit la Cour de cassation à modifier nettement sa jurisprudence antérieure : dans un arrêt du 8 juillet 2020, elle considère que, désormais, des conditions indignes de détention sont susceptibles de constituer un obstacle à la poursuite de la détention et qu’il incombe au juge judiciaire de s’assurer  que la privation de liberté ne s’accompagne d’aucun traitement inhumain ou dégradant.

La Cour de cassation (Chambre criminelle) a cependant saisi alors le Conseil constitutionnel d’une Question prioritaire de constitutionnalité portant sur les articles du Code de procédure pénale qui traitent des atteintes au principe de dignité mais qui ne prévoient pas que le juge judiciaire peut intervenir pour redresser la situation et, le cas échéant, libérer le détenu.

Le 2 octobre dernier, le Conseil constitutionnel a de fait admis que la saisine du juge administratif, seul recours prévu aujourd’hui sur les conditions de détention, ne suffisait pas à garantir un véritable droit de recours : ce juge ne peut demander à l’administration pénitentiaire de changer son organisation et, le plus souvent, demande que le détenu soit indemnisé du préjudice subi, ce qui n’est pas une bonne réponse. Le Conseil constitutionnel a donc censuré un des articles du Code de procédure pénale visé : il est d’avis qu’il appartient aux autorités et juridictions compétentes de prévenir et de réprimer les atteintes à la dignité et que le législateur doit garantir la possibilité d’un recours auprès du juge judiciaire contre les conditions de détention indignes. Le Conseil donne 5 mois au Parlement pour adopter un nouveau texte.

Le Conseil ne se prononce toutefois que sur le cas d’espèce et sur les articles du Code qui lui étaient soumis, qui concernaient la seule détention provisoire. Or, la question se pose aussi pour les détenus condamnés mais elle est alors bien plus difficile à résoudre car on ne peut considérer que la libération est une réponse adaptée. Il restera donc, en ce domaine, à trouver des solutions, sans doute en donnant des obligations à l’administration pénitentiaire (encellulement individuel) et en veillant à ce qu’elle les respecte.