Le retour de l’affirmative action en Californie : c’est non

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Le retour de l’affirmative action en Californie : c’est non

En novembre 2020, les électeurs californiens ont rejeté par référendum une proposition tendant  à rétablir, en faveur des minorités raciales et des femmes,  dans les services publics, les universités publiques et les entreprises passant des marchés publics, une « affirmative action » abolie en 1996 par un vote modifiant la Constitution de l’Etat. Ce choix surprend dans un Etat considéré comme progressiste et soucieux de lutter contre les discriminations et le racisme. Pour autant, l’affirmative action soulève des débats, aux Etats-Unis comme en France (où il existe quelques timides mesures en ce sens), débats par définition légitimes.

Qu’est-ce que « l’affirmative action » ? Il s’agit d’une politique publique qui date, aux Etats-Unis, des années 60.  Elle  tend à dépasser la simple affirmation dans la loi d’une égalité des droits et de l’interdiction des discriminations et promeut une démarche volontariste pour instituer, dans les faits, une diversité réelle. Aux Etats-Unis, la Cour suprême en a précisé les contours : en 1978 elle a interdit les quotas (ou les points supplémentaires résultant, pour l’examen d’une demande d’admission, de caractéristiques ethniques ou sexuées). Mais elle a accepté la « prise en compte » de tels facteurs pour permettre une meilleure promotion des minorités. La Cour admet parfois l’introduction de procédures chiffrées : elle a ainsi validé des mesures prises par l’université du Texas qui admet 10 % des meilleurs élèves de tous les lycées, quelles que soient leur localisation et l’origine des élèves, sachant qu’il était prévu, pour le solde des candidatures, un processus d’examen individualisé. La Cour préfère cette méthode : elle considère que le critère racial n’est qu’un critère parmi d’autres et qu’une candidature doit être examinée de manière globale et personnelle.

En France, les mesures (modestes) qui prévoient une entrée directe dans certaines grandes écoles de « boursiers méritants » originaires de lycées défavorisés s’apparentent à l’affirmative action. Mais la France reste pour l’essentiel attachée au « mérite » et à l’égalité des candidatures. Elle refuse de plus de considérer les races, alors que cette prise en compte est usuelle aux Etats-Unis. Une des limites de ce choix est qu’aucun effort réel n’est fait pour contrer les discriminations ou, plus simplement, les préjugés et les a priori, qui ne peuvent céder qu’à une démarche consciente et volontariste.

Les Etats-Unis eux aussi connaissent ces débats. Les adversaires de l’affirmative action soulignent le risque de dévaloriser les candidats retenus à ce titre, tout comme la focalisation sur des critères raciaux qu’ils préféreraient voir oubliés.  Ceux qui défendent l’affirmative action (qui reste en vigueur dans plusieurs États importants et dans de prestigieuses universités privées) soulignent que, lorsque cette politique est abandonnée, les pourcentages d’admission des latinos ou des noirs s’effondrent. Il faudrait sans doute, pour éclairer le débat, évaluer l’affirmative action, dont la Cour suprême a rappelé qu’elle ne pouvait qu’être provisoire, fixant même son terme à 2028. Mais cette évaluation est difficile : ainsi, les afro-américains connaissent une ascension sociale certaine mais leur pourcentage parmi les personnes pauvres reste écrasant. Faut-il alors sacrifier une politique souple et pragmatique à des considérations qui se contentent d’en appeler à une égalité formelle des candidats, dont certains sont pourtant bien plus « méritants » que d’autres ? Non sans doute : la décision de la Californie est regrettable.