Loi ASAP du 7 décembre 2020 : simplifier, une notion ambiguë

Pauvreté des jeunes : toujours les mêmes débats
27 janvier 2021
Le RSA ou les chicaneries de la décentralisation à la française
2 février 2021

Loi ASAP du 7 décembre 2020 : simplifier, une notion ambiguë

Dans le processus de réforme de l’Etat, les gouvernements  successifs ont, depuis 20 ans, souligné la nécessité de faciliter la vie des usagers en simplifiant les documents à produire pour obtenir une autorisation ; de rationaliser le dispositif des avis préalables à l’adoption d’une réglementation ; de soustraire au contrôle systématique de l’administration des projets considérés comme anodins ; d’accélérer enfin la mise en œuvre des politiques publiques en assouplissant les règles jugées trop rigides des marchés publics. Un type de lois particulier est né, la loi de simplification,  qui est en général un amalgame hétéroclite de toutes les propositions d’allégement qui remontent des services ministériels ou émanent d’élus qui, dans leur vie quotidienne, ont mal supporté la lenteur et le coût de certaines procédures.

La loi du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique, loi ASAP comme le « as soon as possible » griffonné par les managers sur leur relevé de consignes, est la caricature des loi précédentes. Le Conseil constitutionnel l’a au final allégée de 26 articles, cavaliers législatifs qu’il a jugés étrangers à l’objet du texte, telle l’exclusion de l’assiette des cotisations sociales des avantages encourageant le sport en entreprise ou la possibilité pour les établissements publics de mutualiser leurs fonctions support. Pourtant, l’on pourrait plaider qu’il s’agissait bien là de simplifications, tant le domaine est élastique et, à vrai dire, infini : il est vrai que la complexité revient toujours par la fenêtre…et il suffit de faire le bilan des lois nouvelles et de leurs dispositions pointillistes pour comprendre que les coups de balais des lois de simplifications resteront à jamais impuissants devant cette marée, qu’il font contenir autrement.

Que contient au final la loi ? Elle supprime des commissions consultatives, déconcentre certaines décisions, simplifie des démarches (ainsi le justificatif de domicile n’est plus toujours nécessaire, pas plus qu’un certificat médical pour inscrire un enfant dans un club sportif). Fort bien. Elle prévoit quelques ordonnances, parfois sur des sujets moins techniques qu’il n’y paraît. Elle améliore l’information des maires sur les projets d’installations d’éoliennes. Et puis, surtout, elle « allège les contraintes des entreprises » porteuses de projet, dans le domaine environnemental notamment mais aussi en relevant temporairement à 100 000 euros le seuil de mise en concurrence des marchés publics. Le thème de la simplification devient alors politique : l’Etat est suspecté d’affaiblir ses propres contrôles et d’altérer la logique du droit. Il est difficile pour un parlementaire de se prononcer avec honnêteté : est-il en train de supprimer une procédure inutile ou d’avantager des lobbies peu soucieux d’environnement ?

La vérité est que de telles lois posent un problème de méthode. Au départ la loi comportait 50 articles, à la fin 167, au gré des rajouts opérés par tel ou tel élu influent. Au final, elle en comporte 149 et presque autant de sujets. La majorité des ajouts n’ont donné lieu à aucune étude d’impact et n’ont pas été soumis à l’avis du Conseil d’Etat. Des décisions comme la limitation des enquêtes publiques ou l’autorisation de certains travaux avant la fin de l’instruction de l’autorité environnementale sont prises hors d’une vision d’ensemble du droit de la protection de l’environnement, condition nécessaire pour vérifier la cohérence et l’opportunité des modifications apportées. Pour un gouvernement qui a fait de l’évaluation des politiques publiques, naguère, un cheval de bataille, ce type de lois brouillonne, complexe et touffue est une contre-performance.  La simplification du droit et des procédures est un objectif légitime, à conduire autrement : en amont d’abord, en rédigeant des textes simples, clairs, sans exceptions trop nombreuses ; en aval ensuite, en abordant toujours une politique dans son ensemble et non pas par le petit bout de la lorgnette.