Le RSA ou les chicaneries de la décentralisation à la française

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Le RSA ou les chicaneries de la décentralisation à la française

En juin 2020, trois départements ont obtenu du TA de Paris qu’il enjoigne à l’Etat de tenir compte, dans la compensation qu’il leur verse, des dépenses supplémentaires engendrées par des décrets de revalorisation de la prestation. 17 départements ont ensuite fait de même dans l’espoir d’obtenir le même résultat.

Ce contentieux permet de rappeler la cadre de la décentralisation de l’action sociale : l’article 72-2 de la Constitution indique « Tout transfert de compétences entre l’État et les collectivités territoriales s’accompagne de l’attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d’augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi ».  En application de ce texte, la loi fonde la compensation sur les dépenses mesurées à la date du transfert de compétences : la dynamique propre des prestations n’est pas prise en compte par la compensation, pas plus que la dynamique propre des ressources des collectivités.

Cependant, l’article 1614-2 du Code général des collectivités territoriales est plus précis et précise que toute charge nouvelle incombant aux collectivités du fait de la modification des règles relatives à l’exercice des compétences transférées doit être compensée. De ce fait, le TA de Paris a bien reconnu, le 30 juin 2020,  que les 5 revalorisations du RSA intervenues depuis 2013 n’étaient ni un transfert ni une création ni une extension de compétences, mais a admis qu’elles modifiaient les règles des compétences transférées.

Le gouvernement s’est plié à cette décision : par arrêté du 2 décembre 2020, il a fixé le montant de la revalorisation due (1,4 Mds) et sa répartition entre départements. Le débat se porte désormais sur le montant : l’Etat considère qu’en faisant bénéficier les départements d’un fonds de solidarité entre 2014 et 2018 et en les autorisant à relever certains des impôts dont la perception leur est attribuée, il a compensé le surcoût des revalorisations. Les départements contestent cette approche et réclament davantage.

Le dossier illustre l’ambiguïté de la décentralisation à la française : ce sont parfois des prestations dont la responsabilité a été transférée aux collectivités et non des politiques largement définies que les collectivités pourraient conduire à leur main. Les départements se sentent alors prisonniers des décisions de l’Etat (de fait, ils en sont les instruments faiblement autonomes) et réclament des compensations lorsque les prestations évoluent (ils l’avaient déjà fait en 2010 devant l’augmentation des bénéficiaires du RMI, sans succès à l’époque). Sur le fond, les départements arguent que le RSA est une prestation de solidarité nationale et qu’il est légitime que l’Etat la finance.

De fait il a été question un temps (en 2016) que l’État reprenne la charge du RSA. Il en est à nouveau question aujourd’hui et ce serait probablement le dispositif le plus rationnel. Pour autant, le RSA est aussi un dispositif de proximité : les départements ont à charge les dépenses d’insertion qui sont liées à la prestation. Faut-il rappeler que celles-ci ont été largement sacrifiées par les départements pendant de longues années précisément pour consacrer les crédits au versement de la prestation ? Au final, que vaut une décentralisation qui ne responsabilise pas les collectivités ? Elle produit des chicaneries qui ont peu d’intérêt…