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Loi climat : tout faux

La « loi climat » évoquée depuis plusieurs mois se traduit par deux projets : l’un est un projet de loi constitutionnelle intégrant la défense de l’environnement dans la Constitution, l’autre un projet de loi ordinaire « portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets ». Ces deux textes, élaborés pour donner de la visibilité aux engagements écologiques du pouvoir, les desservent au final, pour quatre raisons :

1° La convention citoyenne qui a réuni 150 personnes a été constituée à l’automne 2019, par tirage au sort, avec mandat « d’inventer une écologie populaire dans ce que ce terme a de plus glorieux », selon les termes employés par le Premier ministre Edouard Philippe lors de son installation. Solennellement, alors que nul ne le contraignait à aller si loin, le Président a promis que les propositions seraient présentées « sans filtre » au vote du Parlement ou à référendum, ou que le gouvernement les traduirait directement en mesures réglementaires. Il s’agissait donc d’ouvrir là une voie nouvelle de participation démocratique de citoyens censés représenter la Nation, avec toutes les questions que posait ce choix sur la nature du processus démocratique. Et puis, de discours plus prudents en rétropédalages, le Président a fini par expliquer, dans  une interview à Brut en décembre 2020, qu’il ne se laisserait rien imposer par des « activistes » qui assimilaient leurs propositions à une vérité révélée. Conclusion de ces maladresses : le recours à une « convention citoyenne » est désormais vu comme de la poudre aux yeux, la dénonciation du contrat d’origine mettant en exergue, plus que jamais, la verticalité présidentielle.

2° La loi portant lutte contre le dérèglement climatique se présente comme une loi de  progrès.

Personne ne niera que la loi contient des avancées : parmi celles-ci, notons que certaines lignes d’avion seront supprimées lorsque le train peut les remplacer ; que, dans les grandes villes, des zones seront interdites aux véhicules les plus polluants ; que ceux-ci seront interdits à la vente en 2030 ;  que les logements très énergivores ne pourront plus être loués à partir de 2028 ; que toutes les cantines d’entreprise devront s’approvisionner de produits de qualité ; que le rythme d’artificialisation des sols sera divisé par deux dans les 10 ans à venir par rapport aux dix années écoulées ; que l’implantation de nouvelles zones commerciales sera limitée. D’autres articles réglementent la publicité, les pièces détachées, les marchés publics, la protection de l’eau, la formation des salariés, les travaux miniers, les transports collectifs …

Pour autant, l’opinion publique ne retiendra qu’une chose : que les dispositions de la loi sont systématiquement moins ambitieuses que celles de la Convention citoyenne. De plus, la loi ressemble à un inventaire à la Prévert, dans lequel il est difficile de voir, comme elle le proclame pourtant, un « jalon » quantifiable  vers la neutralité carbone. Il s’agit d’un empilement de mesures disparates dont les conséquences sont difficiles à mesurer et sans doute ponctuelles…L’avis du Conseil d’Etat sur le projet de loi a, d’ailleurs, été réservé : il souligne les insuffisances de l’étude d’impact, regrette que la loi modifie des dispositions récentes, voire non encore entrées en vigueur, ou des documents d’urbanisme récents ; il juge la présentation de la loi confuse, certaines dispositions trop imprécises, d’autres mal présentées ou insuffisamment étayées et demande leur retrait ou leur correction. La portée de la loi est surtout mal mesurable car elle part dans tous les sens, corrigeant ou ajoutant des dispositions dans de très nombreux domaines  sans ordre ni méthode. L’écologie anecdotique et sans boussole…

3° Le projet de loi constitutionnelle  inscrit à l’article 1er de la Constitution de 1958 le principe selon lequel la France “garantit la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et lutte contre le dérèglement climatique”. Il s’agit là de la reprise d’une proposition de la Convention citoyenne à laquelle celle-ci était manifestement attachée. Pour autant, en l’occurrence, l’opinion publique retiendra que cette insertion ne sert à rien, ou, du moins, qu’elle est symbolique. Tel est bien le cas : le Conseil d’Etat rappelle que le principe de la protection de l’environnement est déjà inscrit dans la Charte de l’environnement mentionnée dans le préambule de la Constitution et de ce fait partie intégrante du « bloc de constitutionnalité » ; que le Conseil constitutionnel, dans une décision 2019-823, a qualifié cette disposition d’objectif à valeur constitutionnelle ; que, dans ces contions, l’inscription de cet engagement à l’article 1er de la Constitution a une « valeur symbolique ». L’accusation selon laquelle le pouvoir actuel se paye de mots se renforce…Pour autant, le diable est dans les détails : le Conseil d’Etat attire l’attention du gouvernement sur l’impact du verbe « garantir », qu’il trouve excessivement engageant (le Conseil préférerait un engagement plus simple : « la France préserve l’environnement »). Bref, une disposition inutile et qui, en plus, peut mettre le gouvernement en porte-à-faux…