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Cour des comptes: retour sur les parcours de soins

La Cour des comptes vient de publier un rapport sur « Les parcours dans l’organisation des soins en psychiatrie ».

 L’intérêt du rapport est de confronter, dans un secteur où l’approche par « niveaux » de pathologie est évident, l’organisation effective des soins et l’objectif d’une réponse graduée et coordonnée, en particulier entre ville et hôpital. Les troubles en santé mentale sont en effet très divers, allant de l’anxiété ou de la dépression passagère (qui toucheront un tiers de la population sur la vie entière) à des pathologies lourdes, schizophrénie, troubles bipolaires et autres maladies, qui touchent 7 à 8 % de la population et durent souvent toute la vie. La réponse à donner n’est à l’évidence pas la même.

Or, le système n’est ni unifié ni vraiment gradué : pourtant, originellement, il s’est efforcé de l’être. La « sectorisation » englobe, autour d’un établissement de santé, des structures d’hospitalisation partielle  et des consultations ambulatoires, en particulier les CMP (centres médico-psychologiques). Mais les psychiatres de ville sont à part, de même que le secteur médico-social qui accueille, à temps complet ou partiel,  des personnes qui présentent souvent, en plus de troubles psychiques ou psychiatriques, un handicap physique. Au-delà de ces « silos », l’offre de soins est très inégale selon les régions et la conception même des soins diffère pour une même affection, ce qui rend moins aisé l’accès aux soins.

Surtout, les soins dits spécialisés seraient insuffisamment sélectifs : un tiers des personnes accueillies en CMP relèveraient de la première ligne de soins et pourraient être pris en charge par un psychologue libéral, si cela leur était accessible. L’hospitalo-centrisme perdure pour une part importante des malades : les hospitalisations de très longue durée (plus de 272 jours) représentent un tiers des patients hospitalisés. La durée moyenne de séjour, qui a baissé fortement entre 1970 et 1990, remonte depuis lors, comme si, après la promotion du « hors les murs », l’on revenait aux solutions traditionnelles que l’on sait pourtant peu efficaces. Le suivi à domicile des patients lourds n’est pas fait, ce qui impose des ré-hospitalisations fréquentes. 26 % des malades sortant d’hospitalisations ne recevraient aucun soin spécialisé dans un délai de deux mois, pourcentage très élevé comparé à celui d’autres pays comparables. Enfin, l’entrée des malades en hôpital se fait souvent par la voie des urgences, ce qui est un signe de dysfonctionnement, la montée des troubles n’étant pas repérée parce que la personne n’est pas suivie ou, si elle cherche à l’être, parce qu’elle n’y parvient pas.

Les pouvoirs publics manquent à certaines de leurs obligations : pour les établissements publics, le contenu minimal des soins (obligation de coordination, obligation de suivi) n’est pas défini. Les établissements qui accueillent des hospitalisations sous contrainte ne sont pas tenus de présenter un projet permettant de réduire ce type d’hospitalisation. Les établissements qui pilotent les secteurs ne produisent pas de projet de déploiement territorial. La situation devrait évoluer avec les PTSM, projets territoriaux de santé mentale, définis par la loi du 26 janvier 2016. Il devrait également être possible de généraliser l’expérience menée depuis 2 ans qui permet à la CNAM de rembourser des psychothérapies conduites par des psychologues libéraux sur prescription médicale. Reprendre le suivi à domicile des malades graves en sortie d’hospitalisation représenterait également un progrès décisif.

Le rapport mesure bien l’écart entre la réalité et une vision théorique et optimale des soins. Passer de l’un à l’autre est probablement moins aisé que le rapport ne le suggère. La pénurie de psychiatres, le sentiment que la psychiatrie est délaissée depuis longtemps, le lien entre psychiatrie et misère sociale (la dichotomie persiste entre les familles qui peuvent avoir accès à des thérapeutes de ville coûteux et celles qui ne le peuvent pas et attendent des mois une consultation en CMP), tout pèse dans le sens de la désespérance. L’analyse de la Cour peut donc paraître un peu simple. Elle reste pourtant saine et transposable à d’autres secteurs de soins : la bonne réponse est dans l’unité du système et la bonne orientation des malade vers un segment ou vers un autre, en fonction de ses besoins. Aujourd’hui, chacun se débrouille, plus ou moins bien, et la qualité n’y gagne pas. Les pouvoirs publics devraient piloter le système et pas seulement se contenter de le faire fonctionner cahin-caha.