Pushback illégaux des demandeurs d’asile : un secret de polichinelle

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Pushback illégaux des demandeurs d’asile : un secret de polichinelle

Fin 2020, l’agence européenne Frontex a été accusée par une Directrice dépendant de la Commission européenne d’avoir procédé à des refoulements illégaux de réfugiés, appelés « pushbacks ». Le Parlement européen s’étant inquiété de faits semblables, l’Agence a été l’objet en début 2021 d’une enquête…non concluante au final. Elle nie tout et la Commission lui a renouvelé sa confiance. Les accusations ne datent pourtant pas d’hier : selon le site Toute l’Europe (unanimement jugé fiable), en 2019, des organismes de presse  allemands et britanniques avaient déjà accusé l’Agence, articles à l’appui, d’assister passivement au refoulement de migrants et à des actes de maltraitance commis à leur endroit par des garde-frontières de la Hongrie, de la Grèce et de la Bulgarie. Des agents de Frontex auraient même directement participé à des expulsions de mineurs non accompagnés. En octobre 2020, deux des plus grands journaux américains et allemands ont accusé Frontex d’avoir participé à des refoulements illégaux en mer Egée. D’une manière générale, qu’ils soient le fait des agents de Frontex ou effectuées sans qu’ils interviennent, les refoulements sont devenus monnaie courante en Europe. Les livres noirs de diverses ONG le montrent : 10 000 refoulements illégaux en 2020 dans la mer Egée, selon l’ONG allemande Mare LIbrum,  1000 opérations concernant 12 000 personnes dans les Balkans depuis 2016, selon un réseau d’ONG qui a compilé des témoignages abominables et met en cause Frontex. Des pays (Grèce, Hongrie, Italie…) sont en cause mais personne ne va leur chercher noise.

A vrai dire, si Frontex, pourtant officiellement chargé de participer aux sauvetages en mer et d’enregistrer les migrants à leur arrivée, est clairement accusé de pushbacks (il est vrai qu’il a aussi pour mission de renvoyer dans leur pays les immigrés clandestins, ce qui lui laisse des marges de manœuvre), il n’est pas le seul sur la sellette : l’Union toute entière est devenue schizophrène sur l’asile. L’Europe et la Commission se gargarise de grandes déclarations sur les valeurs et sur le respect de la Convention de Genève. Mais l’application du règlement de Dublin amplifie l’errance des demandeurs et favorise le traitement policier de leurs demandes. Les camps installés en Grèce, censés organiser le transit rapide des migrants, sont des pourrissoirs où les droits humains ne sont pas respectés, pas plus que les droits de l’enfant. Des milliers de réfugiés syriens sont bloquées en Turquie, sans avenir et dans la misère. La police française renvoie dans les Alpes des familles qui arrivent exténuées d’Italie, déchire au cutter les tentes des réfugiés et arrache leurs couvertures en plein hiver pour qu’ils aillent errer ailleurs. Des policiers secouent les tentes installées place de la République, comme on secouerait une boite pour récupérer un objet, jusqu’à ce que les hommes qui s’y trouvent tombent par terre, avant de les matraquer. Ursula Van der Leyen a félicité la Grèce d’avoir joué un rôle de « bouclier » quand le pays a laissé des milices s’en prendre à des migrants venant de Turquie.  Le Haut-commissariat aux réfugiés s’inquiète de ces pratiques, tout comme il critique les conditions d’accueil et d’admission à l’asile dans certains pays. La discussion sur le Pacte migratoire, annonciateur de nouvelles règles de la politique migratoire européenne, n’avance pas, alors même que les progrès qui y sont proposés sont très timides. Si la dévalorisation des institutions publiques est liée à la divergence entre les valeurs qu’elles proclament et les actes qu’elles commettent, alors l’Union, et d’autres pays européens avec elle, perd tous les jours de sa crédibilité.