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Quelle politique du médicament?

La crise sanitaire a fait ressortir en premier lieu des difficultés, au demeurant apparues depuis des années, d’approvisionnement de certains médicaments : une récente question parlementaire souligne que de 60 à 80 % des principes actifs contenus dans les médicaments consommés en France sont désormais fabriqués hors d’Europe alors que la proportion n’était que de 20 % il y a une trentaine d’années. Ce sont surtout les médicaments anticancéreux, anti-infectieux, les médicaments contre l’épilepsie et les produits anesthésiques qui manquent régulièrement, au point qu’en juillet 2019, la ministre de la santé a élaboré un plan contre la pénurie qui consistait surtout en un bon repérage des risques et une action de meilleure coordination entre acteurs dans l’espoir de mieux les gérer. En 2020, au summum du pic de la première vague de la pandémie, la peur de manquer de médicaments essentiels (antibiotiques, hypnotiques, curare) a été source de frayeur dans les hôpitaux. Les causes de ces pénuries sont financières. Certaines sont liées à la volonté des laboratoires, qui doivent désormais engager des sommes extrêmement élevées pour financer la recherche et le développement de médicaments innovants, de limiter certaines dépenses en sous-traitant des activités de fabrication en Chine et en Inde : or, ces pays peuvent rencontrer des difficultés d’approvisionnement de matières premières ou, comme cela a été le cas pendant l’épidémie, arrêter certaines activités. D’autres causes sont liées à l’abandon ou à la mise en déshérence de médicaments peu chers, alors que des médicaments innovants issus de la recherche en biotechnologie apparaissent sur le marché : la pénurie n’existe pas pour eux. La relocalisation de la production sera difficile : les chaines d’approvisionnement actuelles sont compliquées, ouvrir des usines en Europe prendra du temps et serait parfois trop coûteux s’agissant de produits vendus à bas prix. Reste qu’une excessive dépendance, pour des produits essentiels, par rapport à des pays lointains dont la stabilité politique n’est pas garantie n’est pas tolérable et qu’il faudra bien traiter la question.

La seconde question est celle de la recherche et de l’innovation pharmaceutiques. En France, la morosité née de l’absence aujourd’hui de Sanofi et de Pasteur parmi les laboratoires producteurs des vaccins anti-Covid tant attendus (même si cette absence n’est pas nécessairement durable ni significative de déclin) accroît sans doute les préoccupations. Le Conseil d’analyse économique a fait paraître, en janvier 2021, une note (Innovation pharmaceutique, comment combler le retard français ?) qui est riche d’informations et de propositions. La note souligne que le passage progressif de la production de médicaments chimiques à des médicaments issus de la biotechnologie a rendu le processus d’innovation plus complexe et plus coûteux : les nouveaux médicaments concernent davantage des maladies de niche, la recherche en ce domaine implique, bien davantage qu’auparavant, la recherche fondamentale universitaire ainsi que des start-up qui en sont issues. Or, la recherche fondamentale en France est insuffisamment financée et l’attractivité du métier de chercheur est faible.  Les indispensables liens entre recherche universitaire et start-up sont, en France, moins répandus qu’ailleurs. Enfin le coût moyen de développement est devenu très élevé (les innovations sont plus complexes) et les grandes entreprises sollicitées par les start-up pour les financer ne parviennent pas toujours à répondre, d’autant que le risque d’échec est élevé.  Il faut donc encourager la production d’écosystèmes favorables à la collaboration université/start-up/laboratoires pharmaceutiques et, le cas échéant, y affecter des fonds publics. La note évoque également la nécessité d’une réflexion sur les brevets, pour définir des contrats protégeant davantage les produits innovants que les autres, ainsi que sur la politique de prix définis, en France, par la puissance publique : celle-ci est mal adaptée à des produits traitant des maladies très spécifiques (donc peu rentables si le prix est bas) avec un temps de prise plus court.  Il préconise également une utilisation aussi massive que possible des « données de santé » de la population par la recherche pour évaluer l’effet des médicaments innovants.