Evaluer une politique publique, l’exemple du plan vélo

Quelle politique du médicament?
14 mars 2021
Limiter les expulsions locatives, un rapport de plus
23 mars 2021

Evaluer une politique publique, l’exemple du plan vélo

Le 13 janvier dernier, la Direction interministérielle de la transformation publique, qui dépend du ministère de la transformation et de la fonction publique, a lancé un nouveau baromètre interministériel de l’action publique. A priori, le baromètre est un simple support de communication, uniquement laudatif, « des résultats de notre action ». 25 actions sont présentées. Y figurent des actions utiles (développement de l’apprentissage, limitation des effectifs des classes de CP et de CE1), d’autres qui sont symboliques à défaut d’être efficaces (Pass culture, mesures contre le plastique), d’autres qui sont contestées (« supprimer les atteintes aux principes républicains »), d’autres dont on sait qu’elles sont loin d’atteindre leurs objectifs (« Plan logement d’abord » ou publication par les services publics de « leurs résultats », avec une vision fort pauvre de cette notion). Le ministère n’évalue au demeurant que les actions qui l’arrangent : certains domaines (consommation des produits phytosanitaires, production de logements sociaux, relations police population…) ne sont pas abordés. C’est la loi du genre, même si cela ne contribue pas à crédibiliser la parole publique : la communication de l’Etat ne devrait pas ressembler à de la propagande, d’autant que l’impact est très probablement nul.

Pourtant, le think-tank Terra Nova évoque, dans une récente note https://tnova.fr/notes/barometre-des-resultats-de-l-action-publique-la-france-des-pistes-cyclables, « un formidable outil pour observer les disparités entre territoires ». Le baromètre donne accès en effet à des données chiffrées établies au niveau national mais aussi local, ce qui permet, pour toutes les politiques citées, de mesurer les disparités de leurs effets selon les territoires. Terra Nova lance ainsi une série d’évaluations des politiques publiques sous cet angle. Le think-tank commence par le plan vélo, qui finance des aménagements pour encourager son usage ou aide les collectivités à les financer. Selon Terra Nova, de fin 2017 à fin 2020, la France a augmenté, de 40 201 à 55 477 km, l’étendue des pistes cyclables. Pour autant, 50 % des nouveaux km ont été créés dans 20 départements : ce sont en l’occurrence des territoires peuplés, démographiquement dynamiques, plutôt jeunes, souvent proches d’une métropole et déjà bien équipés. Les territoires où la pratique du vélo est peu développée ont moins bénéficié du plan. 12 départements ne comptent ainsi quasiment pas de pistes cyclables. L’Etat n’est bien sûr pas seul à cause : les exécutifs locaux portent une part de responsabilité dans ces résultats.

La situation s’explique : dans les déplacements domicile travail, l’usage du vélo est le plus fréquent  pour les distances entre 3 et 4 km, donc au cœur des villes. La pratique du vélo est également plus courante en zones touristiques ou dans la population jeune et aisée des grandes villes. Le vélo est moins adapté aux zones rurales, ou lorsque le réseau routier est étroit, ou lorsque le relief est gênant. Pour autant, le plan vélo a construit des pistes nouvelles là où le réseau était déjà important, sans parvenir à conquérir, hors quelques exceptions, de nouveaux territoires qui pourraient y être adaptés. La carte des pistes cyclables est donc restée la même qu’en 2017.

L’étude de Terra Nova porte deux messages essentiels : en premier lieu, en France, les politiques publiques s’appuient essentiellement sur des statistiques nationales, tant la notion d’Etat est prégnante. Or, les données territoriales (et leur disparité) illustrent la réalité vécue par la population. Les données locales sur le PIB, le chômage, la composition de la population en catégories socioprofessionnelles, les diplômes, le logement ou la pauvreté existent et sont aujourd’hui davantage utilisées. Pour autant, elles sont souvent difficilement accessibles et reléguées au second rang des analyses. Donnons leur une place plus large.  En second lieu, quand le gouvernement tente de s’autoévaluer, il faudrait qu’il définisse ses objectifs, en dépassant ceux qui ne sont que quantitatifs : faut-il simplement développer les km de pistes cyclables ? et/ou conquérir d’autres publics et réduire la part de la voiture dans des territoires où elle est reine ? Ce n’est pas pareil.