Projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire

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Projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire

 L’avant-projet du projet de loi qui sera présenté prochainement par le ministre de la justice a circulé. Contrairement à son titre, le texte ne paraît pas de nature à rétablir la confiance dans l’institution judiciaire : il n’est pas sans intérêt mais reste d’ambition limitée. De plus, les citoyens sont très critiques envers la justice. Le Baromètre Delouvrier 2020 sur l’opinion des Français sur les services publics montre que, s’agissant de la justice, les opinions défavorables (64 %) l’emportent largement, l’explication principale résidant dans sa lenteur. Plus grave, selon un sondage IFOP de 2019, à peine un peu plus de 50 % de la population lui font confiance et moins de 50 % pensent que les juges sont impartiaux et indépendants du pouvoir politique.

Que contient ce projet de loi ? Plusieurs dispositions sont intéressantes, d’autres témoignent de règlements de comptes de l’avocat présent sous les habits du ministre, d’autres enfin sont discutables.

Parmi les points intéressants figure l’encadrement des enquêtes préliminaires menées par la police, parfois sous l’égide d’un procureur, sans saisine d’un juge d’instruction ni contradictoire ni information sur l’avancement de l’enquête  : elles sont limitées dans le temps (2 ans + éventuellement un an de prolongation sur avis motivé du procureur) et, dans certains cas, les personnes mises en cause ou les plaignants pourront avoir accès au dossier. On a beau savoir que c’est l’avocat Dupont-Moretti qui parle ici plus que le ministre, il a raison : sans même évoquer l’affaire Bettancourt ou l’affaire des écoutes de N. Sarkozy, les enquêtes sans contradictoire ni accès au dossier ne doivent pas s’éterniser. Deux ans, c’est déjà long.

De même la loi augmente le nombre des jurés des cours d’assises à 7 pour leur donner plus de poids et permettre de dégager une majorité. Elle généralise les cours criminelles où siègent des magistrats professionnels, appelées à remplacer les cours d’assisse pour certains crimes (crimes punis de 15 ou 20 ans hors récidive).

Enfin, tout condamné qui doit encore effectuer, sur une peine de 2 ans au plus, 3 mois de détention, bénéficie automatiquement de la libération sous contrainte, sauf impossibilité d’hébergement et, en matière correctionnelle, la loi limite les détentions provisoires à 8 mois sauf démonstration que l’assignation à résidence avec bracelet est manifestement insuffisante.

L’avocat Dupont-Moretti devenu ministre règle des comptes avec l’institution judiciaire : les perquisitions chez les avocats sont encadrées (le juge des libertés ne les autorise que si l’avocat est personnellement soupçonné), les écoutes d’un avocat ne sont possibles qu’à cette même condition et la consultation de ses fadettes est assimilée à des écoutes.

Enfin, parmi les dispositions qui soulèvent réticences et difficultés figure la suppression des remises de peine automatiques au bénéfice de remises décidées par le juge d’application des peines pour bonne conduite ou effort de réinsertion : le texte cite le fait de passer un examen, de suivre un enseignement, de participer à des activités culturelles ou de suivre une thérapie.  Le discours ministériel frôle dangereusement la leçon de morale en privilégiant (il l’a dit) ceux qui « se lèvent le matin ». La mesure renvoie à la question de savoir si les lieux de détention offrent suffisamment d’activités de formation et d’activités culturelles, voire de travail, à ceux qui voudraient s’y adonner, et si les conditions d’incarcération permettent de suivre un enseignement et d’apprendre à lire. Il est certain que tel n’est pas le cas, les listes d’attente étant d’autant plus chargées que la surpopulation est importante. De plus, la crainte est d’enlever encore de l’espoir aux petites peines auxquelles aucune occupation ne sera offerte. La mesure, inspirée par l’idéologie, gagnerait à se confronter au réalisme.