Stratégie 2018 de lutte contre la pauvreté : triste évaluation

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Stratégie 2018 de lutte contre la pauvreté : triste évaluation

En 2018, le Président de la République a présenté une « stratégie nationale » contre la pauvreté qui affirmait vouloir construire « un nouveau modèle social » et ne pas être un plan ponctuel. La Stratégie poursuivait trois objectifs, prévention de la pauvreté, ce qui justifiait les mesures prises à l’égard des enfants et des jeunes, reconnaissance de droits universels et surtout accompagnement vers le travail vu comme une garantie d’émancipation. L’évaluation de la mise en œuvre a été confiée à France Stratégie, qui y a joint en 2020 l’évaluation du plan « Logement d’abord ». Le rapport 2021, paru en mars, est le premier rapport qui porte sur le fond, après l’élaboration d’une méthodologie d’évaluation.

Le rapport laisse transparaître une certaine déception, en particulier sur les outils qui lui permettraient de mesurer la mise en œuvre des 35 mesures recensées. Quatre seulement de ces mesures ont été intégralement mises en œuvre : la revalorisation de la prime d’activité, la mise en œuvre de la complémentaire santé solidaire (fusion de deux dispositifs précédents, la Couverture maladie universelle complémentaire et l’ACS, aide à la complémentaire santé), le renouvellement automatique de cette complémentaire santé aux bénéficiaires du RSA, et le déploiement de 400 « points conseil budget ». Trois mesures ont été abandonnés : la présence de deux adultes par classe de maternelle dans les Quartiers prioritaires, les expérimentations prévues dans la cadre de la Garantie jeunes,  enfin l’adaptation de l’offre d’hébergement et de logement aux familles avec enfants. D’autres sont à l’arrêt (l’élaboration d’un revenu universel d’activité) ou non achevés (le déploiement du service public d’insertion et d’emploi pour accompagner vers l’emploi tous les demandeurs).

Pour les 10 mesures petite enfance, seules deux sont bien avancées, les autres n’ont pas démarré (formation des professionnels) ou les indicateurs ne sont pas disponibles (augmentation des places d’accueil dans les QPV, augmentation des enfants pauvres accueillis dans les crèches, création de crèches à vocation d’insertion…). Deux des trois mesures concernant le logement ne fournissent aucun indicateur et les indicateurs manquent aussi pour les mesures de santé, d’accompagnement et d’emploi.

Au final, il n’est pas possible de prendre une vision globale de la réalisation du plan qui semble très parcellaire. Quant à mesurer l’effet des mesures, ce n’est bien évidemment pas d’actualité. Une des rares conclusions possibles est que la contractualisation entre l’Etat et les départements a été positive, même si, à vrai dire, aucun bilan chiffré ne semble pouvoir être présenté.

Le rapport se conclut sur des « conseils » adressés au gouvernement sur « les points d’attention » à surveiller : accorder davantage d’attention à la grande pauvreté, lutter contre les conséquences de la crise sanitaire sur la pauvreté, tendre vers le zéro « non-recours » aux prestations, mettre en place un dispositif d’aide pour les 15-24 ans les plus démunis, évaluer l’accompagnement vers l’emploi et mettre en œuvre les actions du plan « Logement d’abord ». L’énumération est quelque peu pathétique…car elle demande la mise en place d’un plan de lutte contre la pauvreté… qui devrait pourtant déjà exister, au moins en partie.

L’exercice d’évaluation est révélateur des carences de l’action publique, au moins dans le domaine de la lutte contre la pauvreté.

Le plan 2018 frappait par son caractère ampoulé (ainsi, « L’égalité des chances  dès les premiers pas » recouvrait la création limitée de places d’accueil des jeunes enfants dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville) et par la modestie des moyens engagés. L’hétérogénéité  des mesures était évidente (des petits déjeuners offerts aux enfants dans les écoles jusqu’à la constitution d’un vrai service public d’accompagnement vers l’emploi). Le plan recyclait pour une part des dispositifs anciens (avec le développement de la garantie jeunes et la promesse, déjà contenue dans la loi DALO, qu’aucun enfant ne dorme plus dans la rue). Tout annonçait un plan de communication plus qu’une véritable « stratégie ». L’espoir demeurait cependant, compte tenu de l’ambition politique du quinquennat, que l’accent soit enfin mis efficacement sur l’accompagnement vers l’emploi : ce ne sera même pas le cas.

Pour autant, force est, parallèlement, de reconnaître l’échec de tous les plans précédents, comme si la rédaction d’un tel plan était un exercice imposé pour tout gouvernement, sans réelle volonté d’application. Ce fut le cas de la loi d’orientation du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions, du plan de cohésion sociale de 2005, de l’engagement d’accompagnement individualisé vers l’emploi contenu dans la réforme du RSA, de la loi DALO, des promesses de développement des services publics dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, du plan pauvreté de 2013. L’échec n’est certes pas total : des progrès sont constatés et certaines réformes apportent des améliorations. Mais les promesses ne sont jamais tenues, ou jamais tenues complètement, et ce sont les effets d’annonce que l’on retient et que l’on regrette.