Nouvel ordre mondial progressiste: le cas chinois

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Nouvel ordre mondial progressiste: le cas chinois

En juin 2021, le député européen Pascal Canfin publiait chez Terra Nova et dans le Monde un article remarqué sur « Le nouvel âge progressiste de la mondialisation ».  De manière convaincante, il énumérait l’ensemble des progrès de la communauté internationale vers une meilleure solidarité : au niveau mondial, échange automatique des données fiscales des particuliers et, plus récemment, avancées vers un impôt mondial sur les multinationales ; au niveau européen, obligation de « reporting » des grandes entreprises sur les bénéfices réalisés pays par pays, politique de rachat par la BCE de la dette des États, définition d’un plan de relance européen encourageant l’investissement public, avancées de l’Union vers des objectifs climatiques ambitieux. La note évoquait ensuite les progrès à venir : intégration de critères sociaux et environnementaux dans les règles du commerce mondial et taxe carbone aux frontières.

La note abordait, en incidente, « le cas chinois » : selon Pascal Canfin, la Chine devra intégrer ce mouvement de coopération, parce que c’est son intérêt comme c’est le nôtre, ne serait-ce que parce qu’elle est le premier pollueur de la planète. Cette « Realpolitik climatique » repose sur plusieurs paris : la Chine doit absolument réussir sa transition écologique ; dépendante de ses marchés d’exportation, elle devra se plier aux normes mondiales et aux règles d’accès au marché édictées par la communauté mondiale ou européenne ; enfin, puisqu’elle veut devenir un leader dans le domaine technologique, elle investira les technologies décarbonées et préfèrera, pour des raisons commerciales, la coopération à l’isolement.

C’est sur ce point que, dans une autre note de Terra nova, l’historien Sylvain Khan répond à Pascal Canfin : si l’Europe veut réussir à mettre en place ce progressisme mondialisé, dit-il, elle doit prendre conscience de la nature du régime chinois et le considérer pour ce qu’il est, un ennemi. Les dirigeants chinois ont été intéressés, un temps, par des relations de collaboration avec les grands pays industrialisés : depuis les années 2010, c’est fini.  La mondialisation ne leur paraît acceptable que si elle profite à l’intérêt national chinois. La « colonisation » chinoise de l’Afrique, la soumission de certains pays européens au joug des investissements chinois freineront les progrès vers  « une mondialisation progressiste ». Les leaders chinois n’ont aucunement le sens de l’intérêt général : leur but est d’augmenter leur propre puissance, d’intégrer Taïwan au mépris du droit et leur méthode est de déchirer les accords qui ne leur conviennent plus, comme ils l’ont fait à Hong-Kong. Que feront les Européens quand la Chine « prendra » Taïwan ? refusera la taxe carbone aux frontières, ce qu’elle fera vigoureusement, avec des moyens de rétorsion forts ? Quand ils s’apercevront qu’elles maintient ses centrales à charbon, simplement un peu plus loin des villes ? Quand elle utilisera les positions économiques qu’elle a (terres rares) pour tenir en laisse les européens ? La Chine ne se voit pas comme « dépendante » de ses clients mais comme une puissance dont le poids lui permettra d’écraser les autres. Et, selon Sylvain Khan, elle a des arguments pour le penser.

Les Européens doivent donc construire leur transition écologique et leur « mondialisation progressiste » en veillant à une stricte indépendance par rapport à la Chine, qui doit être reconnue comme un « rival systémique ». Au demeurant, la Chine, qui ne voit pas la collaboration comme une valeur positive, ne s’en cache pas : elle a déjà fixé la date de sa domination sur le monde : 2049.

Le débat sur « discuter/ne pas discuter », « inclure ou exclure » se pose pour tous les dictateurs, surtout ceux qui rêvent que leur pays soit reconnu comme une puissance internationale. Il s’est posé et se pose encore pour Poutine. Jusqu’à présent, force est de constater que le maintien des liens même distendus avec de telles dictatures ne sert à rien, pas même à protéger les opposants.