Plus de 2 millions de personnes en situation de grande pauvreté

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Plus de 2 millions de personnes en situation de grande pauvreté

L’Insee (comme l’Europe, de longue date) retient une définition financière de la pauvreté. Le seuil de pauvreté est fixé conventionnellement à 60 % du niveau de vie médian des Français. En 2018, dernière année connue, ce seuil est de 1063 euros (revenu disponible pour une personne seule). 14,8 % de la population de la France métropolitaine vivant en ménage ordinaire se situent sous ce seuil, soit 9,3 millions de personnes. En 2019, selon les premières données de l’Insee, le taux de pauvreté baisserait de 0,3 points.

Cette mesure de la pauvreté n’est pas satisfaisante. Le seuil de pauvreté (qui augmente avec la composition des ménages) est élevé et assimile des personnes très modestes et d’autres en situation de grande pauvreté. Pour répondre à cette objection, l’on utilise parfois, pour mesurer la « vraie » pauvreté, un seuil plus bas, 50 % voire 40 % du revenu médian. L’Insee cependant ne juge pas cette méthode suffisamment discriminante : elle constate que, en termes de privations, la situation des personnes situées entre 40 et 50 % du revenu médian est très comparable. De plus, si l’on ne raisonne qu’en termes de revenus, l’on ne prend pas en compte certaines atténuations de la pauvreté, aides familiales ou propriété du logement. Pour mesurer la grande pauvreté, l’Insee combine donc deux critères, un revenu monétaire inférieur à 50 % du revenu médian et des privations matérielles, 7 au moins sur une liste de 13 qui concernent le logement, la nourriture, l’habillement, les loisirs.

Selon l’ouvrage de l’INSEE Revenus et patrimoine des ménages, Edition 2021, 1,9 millions de personnes se trouvent en situation de grande pauvreté, soit 1,5 % de la population. Ce taux, monté jusqu’à 1,9 % en 2010 a baissé jusqu’à 1,1 % en 2016. Les personnes concernées vivent dans des logements ordinaires mais aussi dans des habitations mobiles ou des centres d’accueil, voire sont sans domicile. Au-delà, 170 000 personnes sont susceptibles d’être en grande pauvreté, dans les cités universitaires, les foyers de jeunes travailleurs ou de migrants, les EHPAD. Les données manquent aussi pour les détenus.

La grande pauvreté mesurée par l’Insee compte beaucoup d’enfants (35 %), peu de personnes âgées (7 % seulement ont plus de 65 ans) et, pour 25 %, des habitants des DOM. Elle compte davantage de personnes seules que la population ordinaire et 25 % sont des familles monoparentales. Les prestations sociales constituent 56 % du revenu des personnes en grande pauvreté. Un tiers est au chômage, un tiers inactif, un tiers travaille mais de manière discontinue ou à temps partiel. Un tiers enfin déclare des limitations dues à un problème de santé.  Cette grande pauvreté est localisable : elle est davantage présente en Ile de France, sur le pourtour méditerranéen et dans le Nord Pas de Calais, dans des unités urbaines moyennes.

Les privations sont importantes : aucune des personnes concernées ne peut faire face à une dépense imprévue, presqu’aucune ne peut remplacer un meuble hors d’usage, 8 sur 10 ne peuvent s’acheter des vêtements neufs.  Surtout, cette pauvreté est durable : trois ans après, une personne sur 8 seulement en est sortie.

C’est sans doute cette grande pauvreté que les aides sociales devraient mieux limiter, en améliorant la situation des familles monoparentales, en limitant les emplois de mauvaise qualité…et en augmentant le niveau du RSA. Mais, jusqu’ici, cette grande pauvreté n’a guère été au cœur des politiques publiques : dans le domaine de la lutte contre la pauvreté, une des principales mesures du quinquennat a été l’amélioration de la prime d’activité, qui vise les travailleurs modestes et non les personnes très pauvres. Le projet de garantie jeunes universelle étudié ce printemps serait une réponse, mais elle ne suffirait pas.