Loi contre le dérèglement climatique : un texte qui part dans tous les sens, peut-être moins faiblard qu’il n’y paraît

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Loi contre le dérèglement climatique : un texte qui part dans tous les sens, peut-être moins faiblard qu’il n’y paraît

La loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience contre ses effets est une loi maudite : dénoncée comme insuffisamment ambitieuse par la Convention citoyenne chargée d’en élaborer les orientations, critiquée par le Conseil économique, social et environnemental qui s’inquiète de l’adéquation entre les mesures figurant dans la loi, souvent « limitées, différées ou conditionnées » et le respect des objectifs de réduction des GES d’ici 2030 et 2050, dépréciée par l’avis du Conseil national de la transition écologique qui la juge impropre à répondre aux engagements pris, imprécise sur les financements, sur les conséquences des mesures prises sur les entreprises et sur le réponses au risque d’inégalités sociales qu’elle pourrait engendrer, la loi n’a pas bonne presse.

Reste que, comme le souligne le cabinet d’avocats spécialisés Gossement, pour une fois, ce n’est pas une loi de simple orientation avec énumération d’objectifs chiffrés tonitruants et multiplication de mesures générales sans valeur juridique. La loi est concrète, même si elle cède souvent à la « procrastination », systématique dans les textes relatifs à l’écologie, et si certaines des mesures (menu végétarien dans les écoles) relèvent de la communication.

Elle est en tout cas compliquée, avec plusieurs chapitres thématiques que l’on peut tenter de résumer avant de commenter les mesures les plus importantes.

Quelles sont les principales mesures de la loi ?

 Chapitre consommer : interdiction de la publicité en faveur des énergies fossiles en 2022 et des voitures les plus polluantes en 2028 ; information des consommateurs sur l’empreinte carbone des produits ; obligation, pour les moyennes surfaces commerciales, de consacrer au vrac 20 % de la surface de vente ; obligation d’un menu végétarien hebdomadaire dans les cantines scolaires à la rentrée 2021 ; baisse des engrais azotés avec intervention d’une taxe en 2024 si les objectifs ne sont pas tenus ;

Chapitre produire : extension de l’obligation des producteurs de fournir des pièces détachées ; obligation dans tous les marchés publics de la prise en compte de critères écologiques ; révision du Code minier par ordonnance ; extension de l’obligation de panneaux solaires ou de toitures végétalisées sur les toitures des surfaces commerciales, des bureaux, des parkings ;

Chapitre se déplacer : obligation de zones à faibles émissions d’ici à 2024 dans les agglomérations de plus de 150 000 habitants ; dans celles où les normes sont fréquemment dépassées, interdiction progressive de 2023 à 2025 des voitures les plus anciennes et les plus polluantes ; suppression progressive des avantages fiscaux sur la TICPE entre 2023 et 2030 ; interdiction des vols domestiques quand une alternative existe de moins de 2 h 30 ; possibilité pour les Régions de mettre en place une écotaxe sur les transports de marchandises.

Chapitre vivre et se loger : accélération de la rénovation des logements classés G en isolation et interdiction progressive de louer des logements classés F et G ; division par deux du rythme d’artificialisation des sols dans les 10 ans avec inscription dans les schémas régionaux d’aménagement ; définition d’un objectif de 30 % d’aires protégées sur le territoire national en 2030, dont un tiers sous protection forte ; création d’un délit de mise en danger de l’environnement et d’un délit général de pollution et d’écocide.

Quel impact? 

L’impact de cette accumulation de mesures sur les émissions de GES est très difficilement quantifiable : elles interviennent à des dates différentes et ont parfois une influence indirecte (interdiction de publicités, institution des zones à faibles émissions…). Les mesures paraissent souvent ponctuelles : si l’on souhaitait vraiment limiter les émissions liées aux transports ou au logement, il faudrait commencer par réduire et non pas par réguler le trafic routier, développer le train et le télétravail, accélérer les rénovations de logements de manière plus large en y consacrant les financements nécessaires. La loi donne le sentiment de faire du pointillisme (extension de l’obligation de fournir des pièces détachées par exemple), et de commencer le travail de détail avant d’engager les réformes d’ampleur.

Pour autant, la loi comporte des mesures importantes, même si leur rythme de réalisation est parfois trop lent : ainsi, après des années d’indifférence, le principe de la lutte contre l’artificialisation des sols est posé ; les marchés publics doivent recourir à des critères environnementaux ; un délit d’écocide est institué ; l’écotaxe revient, sous une forme, il est vrai facultative et sur décision des Régions ; certaines dispositions fiscales défavorables à l’environnement devraient peu à peu disparaître ; enfin, le Code minier devrait être réécrit. Dans la lutte contre le dérèglement climatique, ces mesures éparpillées et multiformes ne sont sans doute pas décisives. Leur financement n’est pas assuré, leur suivi sera difficile. Mais c’est un (petit) pas.