Suppression de l’impôt sur la fortune et prélèvement forfaitaire unique : quels effets ?

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Suppression de l’impôt sur la fortune et prélèvement forfaitaire unique : quels effets ?

Lors de la campagne électorale de 2017, le candidat Emmanuel Macron avait annoncé son intention de remplacer l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) par un impôt sur la fortune immobilière (IFI), assis sur les seuls actifs immobiliers et excluant désormais les placements financiers, les livrets d’épargne et les biens mobiliers, bijoux ou objets. De plus, il voulait simplifier la fiscalité des produits financiers, avec un taux de prélèvement forfaitaire unique (PFU) bien plus avantageux pour les hauts revenus que le dispositif précédent, qui les soumettait au barème de l’IR. La justification de ces mesures était directement issue du rapport Attali de 2007, dont Emmanuel Macron a été rapporteur : il faut taxer la rente (= l’immobilier) et détaxer le risque (= les actions et les dividendes) qui finance l’économie. La réforme a eu lieu dès 2018, dans un calendrier rapide. En pratique, tous les placements financiers, risqués ou non, ont bénéficié de la suppression de l’ISF, car, a expliqué le Président, il serait trop compliqué de distinguer les deux. L’objectif était de freiner les départs à l’étranger des ménages soumis à l’ISF, supposés liés à l’impôt (les analyses du ministère des finances reliaient davantage le départ de France des ménages très aisés à des opportunités professionnelles). Il était, surtout d’encourager les investissements et donc, à terme, la croissance. Le Président s’était engagé, si la réforme ne tenait pas ses promesses sur ce point, à revenir dessus.

Le Comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital, réuni sous l’égide de France-Stratégie, a étudié, à la demande du Premier ministre, dans son troisième rapport, les effets des réformes intervenues en 2018, suppression de l’ISF mais aussi institution du PFU à 30 %.

Les conclusions du rapport sont très pudiques et l’on n’y lit nulle part que les réformes de 2018 ont favorisé les très-riches sans que leurs investissements aient augmenté au bénéfice des entreprises. Le Comité indique même que les données publiées ne peuvent mener à aucune certitude…et que toute interprétation serait imprudente : même si aucun impact visible n’est détecté sur les investissements, les bénéficiaires ont pu créer des entreprises ou investir dans d’autres sociétés que les leurs… Pour autant, les articles de presse qui commentent le rapport sont très enclins à penser que le message n’est pas si obscur, tandis que le ministre de l’Economie évite de commenter des constats gênants en indiquant que l’essentiel est que la France aille bien aujourd’hui.

Les données contenues dans le rapport sont frappantes : du fait du PFU, les dividendes ont considérablement augmenté, dès 2018 et jusqu’en 2020. Cette augmentation provient pour la quasi-totalité des dividendes servis par des entreprises non cotées possédées par des personnes physiques. Par ailleurs, la hausse importante des revenus en capital constatée entre 2017 et 2019 est tirée à la fois par les gros dividendes et par les grosses plus-values mobilières de droit commun. En 2018 comme en 2019, cette hausse est très concentrée sur le haut de la distribution (ce sont les 0,1 % les plus riches qui ont vu leur revenu croître le plus).

Quel a été le réemploi du surcroît de rentrées de ces ménages très aisés ? Les levées de fonds de capital-investissement auprès des personnes physiques, potentiels bénéficiaires de la suppression de l’ISF, plafonnent depuis 2016. Les entreprises dont les actionnaires étaient assujettis à l’ISF jusqu’en 2017 n’ont pas investi davantage qu’avant. En revanche, les personnes physiques dont les dividendes ont fortement augmenté entre 2017 et 2018 ont augmenté leur patrimoine immobilier tandis que leurs investissements financiers ont été faibles.

Conclusion : les réformes fiscales de 2018 ont enrichi les très riches et ceux-ci ont investi plutôt dans l’immobilier que dans l’investissement aux entreprises.

Un seul point positif apparaît, dont on ne sait trop s’il bénéficie à l’économie française : les retours des personnes anciennement imposées à l’ISF et parties il y a deux ou trois ans ont augmenté, de même que le retour des contribuables touchant beaucoup de dividendes. Et, si les inégalités s’accroissent au bénéfice des très riches,  la France a meilleure réputation auprès des grandes fortunes…