Dépendance : le domicile plutôt que l’EHPAD

CAE: pour un investissement dans les universités
8 février 2022
Islam de France : apprendre la modestie?
21 février 2022

Dépendance : le domicile plutôt que l’EHPAD

La Cour des comptes a étudié, à la demande de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, l’offre de services infirmiers à domicile destinés aux personnes âgées dépendantes et aux personnes handicapées (SSIAD).

Elle constate d’abord que, à la différence des autres pays de l’OCDE, la France se caractérise par une offre encore prioritairement axée sur les établissements collectifs et moins sur le maintien à domicile, même si, depuis 2005 et l’annonce d’un « virage domiciliaire », le nombre de places a un peu augmenté en ce dernier secteur. Le virage en tout état de cause n’a pas été pris. S’agissant des personnes âgées, seulement 20 % de l’offre totale de places concernent les services et les établissements se taillent la part du lion, 80 %, même si dans les 15 dernières années, un léger rééquilibrage a eu lieu. Dans les comptes de la santé 2019, en utilisant des comparaisons internationales qui ne recouvrent sans doute pas exactement les mêmes réalités mais permettent une approche du phénomène, la DREES note que, en Europe, 66 % des dépenses de santé de longue durée correspondent à des soins dispensés dans des structures d’hébergement et 34 % à domicile.

La Cour souligne aussi que certains pays nordiques, comme le Danemark, ont organisé des prises en charge très intégrées à domicile, qui réunissent une palette de services. C’est l’autre caractéristique des services français que de séparer, au moins jusqu’à présent, les services de soins infirmiers des services d’aide et d’accompagnement : la loi de financement pour 2022 prévoit à horizon 2025 une fusion de ces services, qui reste à faire toutefois. Pour des raisons de coordination et d’amélioration de la qualité de l’accompagnement, la Cour insiste sur la nécessité d’organiser des services polyvalents.

Compte tenu des perspectives de vieillissement démographique, il faudra au moins accroître le nombre de places de SSIAD de 25 000 à horizon 2030 (126 600 places aujourd’hui) si l’on veut seulement maintenir le taux d’équipement actuel.

Sans doute faudrait-il également, pour offrir une véritable alternative aux EHPAD, offrir des SSIAD « renforcés » aptes à prendre en charge des personnes plus lourdement dépendantes : les SSIAD actuels ne prennent en charge que 37 % de personnes relevant des GIR 1 et 2 les plus lourds (« groupes iso-ressources » qui permettent le classement de la dépendance). Le dispositif serait cependant nettement plus coûteux : dès aujourd’hui, en additionnant la prestation dépendance (APA) et le recours aux SSIAD, le coût d’une personne âgée à domicile avoisine, pour les dépendants lourds, celui d’une personne âgée en établissement, pour un confort de vie sans doute supérieur il est vrai.

Le mode de tarification appliqué aujourd’hui aux SSIAD est en tout état inadapté : la dotation globale de l’assurance maladie, qui prend en charge les salaires des intervenants (infirmiers qui coordonnent les soins et aides-soignants qui les exécutent), dont le montant est lié à l’histoire,  ne permet pas de prendre en charge des personnes lourdement dépendantes : il faudrait tenir compte davantage de la situation des personnes prises en charge, ce qui, il est vrai, pose des questions complexes, d’autant qu’il n’existe aucune enquête récente sur l’activité des SSIAD.

S’ajoutent aux problèmes à résoudre les difficultés de recrutement de tels services.

Face à ces constats, se pose nécessairement la question des ressources à consacrer aux services infirmiers à domicile : pour faire des économies, la Cour demande de regarder vers les actes infirmiers de soins à domicile dispensés aux personnes âgées par des infirmières libérales (soins d’hygiène et de nursing »), dont le coût augmente vivement et dont la croissance n’est pas réellement encadrée.

Au final, il faut décider quelle est la politique de prise en charge de la dépendance et, si l’on privilégie, comme le souhaitent les personnes, le maintien à domicile, réfléchir aux réformes à engager et y mettre les moyens financiers nécessaires.