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Loi 3DS : une loi sans intérêt

Après des années de discussion, la loi différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification de l’action publique locale va voir le jour en ce début 2022 :  c’est en 2018 qu’un projet de réforme de la Constitution a été présenté qui prévoyait que la répartition des compétences puisse être différenciée selon les collectivités. C’est en avril 2019, après la fin du « Grand débat » organisé à la suite du mouvement des Gilets jaunes, que le Président de la République s’est dit ouvert à un nouveau mouvement de décentralisation mais a accepté aussi une révision de la loi NOTRe pour assouplir le fonctionnement des intercommunalités, mal supportées en milieu rural.

Que deviennent ces ambitions au final dans la nouvelle loi ? Eh bien, rien ou pas grand-chose. La loi est touffue, très longue (plus de 300 articles). Elle porte sur la réforme de la métropole d’Aix-Marseille comme sur la possibilité accordée aux communes de placer des radars le long de leur voierie.  Elle oblige le directeur de l’ARS à présenter un bilan de son action au Président du Conseil départemental. Elle corrige les textes actuels en plusieurs domaines (logement et éoliennes). Elle ne décentralise que très peu (10 000 km de routes), tout en permettant à l’Etat de déléguer la gestion du réseau national des routes aux départements ou aux métropoles. A l’inverse, elle recentralise le RSA (ou du moins envisage de le faire après expérimentation). La déconcentration est également mince : elle s’arrête à donner au préfet de département le rôle de délégué territorial de l’Adème et de l’Office de la biodiversité, décisions souvent évoquées pour que ces institutions, qui ont tendance à jouer leur propre partition, soient « mieux tenues ». Enfin, si la simplification n’est absolument pas au rendez-vous, la différenciation l’est davantage :  la loi ouvre à plusieurs reprises la « possibilité » de déléguer certaines compétences. Les parlementaires vantent le caractère symbolique de ses mesures mais le texte est au final un patchwork derrière lequel se devinent des luttes d’influence sur la gestion de l’eau ou sur les sanctions prévues par la loi SRU. Elle arbitre donc, sur de très nombreux points, entre un Sénat défenseur inconditionnel des libertés communales et l’Assemblée nationale, un peu plus préoccupée de l’intérêt national. Le curseur entre les deux est légèrement déplacé mais, au fond, pas beaucoup.

Que retenir concrètement ?

L’échéance de 2025 fixé par l’article 55 de la loi SRU (c’est à cette date que les communes doivent être en règle avec les objectifs fixés de construction de logements sociaux) a été maintenue et les sanctions prévues resteront applicables. Pour autant, les communes déficitaires disposeront d’un délai de rattrapage au-delà de 2025 à condition de signer avec le préfet un contrat de mixité sociale s’étalant sur 3 fois 3 ans. Les critères d’exemption des obligations SRU sont élargis aux communes touchées par le recul du trait de côte. L’attribution des logements sociaux sera régie par la convention intercommunale d’attribution mais l’on pourra déclarer certaines résidences comme « à enjeu prioritaire de mixité sociale » et y refuser les ménages « qui accentueraient la fragilité sociale de la résidence », en clair, les ménages pauvres. Que dire ?

S’agissant de l’implantation des éoliennes, les maires n’ont pas reçu le droit de veto demandé mais le Plan local d’urbanisme pourra soumettre à critères leur implantation dans certaines zones de la commune.

La compétence en matière d’eau et d’assainissement sera bien transférée aux intercommunalités en 2026 mais, s’il existe déjà un syndicat infra-communautaire, il pourra garder cette compétence. Les communes touristiques et les stations classées pourront se voir rétrocéder la compétence « tourisme » par les EPCI qui en sont titulaires.  Sauf les voies d’intérêt communautaire, les communautés urbaines et métropoles pourront déléguer leur voirie aux communes. Les communes pourront elles aussi choisir de transférer certaines de leurs compétences à leurs EPCI.

Bref, une accumulation de mesures sans intérêt ne fait pas une politique…