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Le burkini, la suspension pour l’hygiène

Le juge des référés du Conseil d’Etat a été saisi, en juin, de la décision en référé du tribunal administratif (TA) de Grenoble, qui suspend l’autorisation du port du burkini figurant dans le nouveau règlement des piscines de Grenoble adopté en Conseil municipal en mai 2022.  Le Conseil d’Etat a confirmé, le 22 juin 2022, la décision de suspension prise par le TA.

La saisine de la justice administrative ayant été faite sur le fondement de l’article 5 de la loi du 24 août 2021 dite loi « Laïcité », qui fixe aux magistrats administratifs des délais réduits pour se prononcer « lorsque l’acte attaqué est de nature à compromettre l’exercice d’une liberté publique ou individuelle, ou à porter gravement atteinte aux principes de laïcité et de neutralité des services publics », l’on aurait pu en inférer que le jugement du Conseil d’Etat se placerait exclusivement sur ce terrain : le port du burkini est-il en lui-même constitutif d’une atteinte au principe de laïcité ?  Au fond, c’est ce que pensaient les requérants et, en particulier le préfet de l’Isère lorsqu’il a saisi le juge des référés. Certes, le préfet reconnaît, dans son plaidoyer devant le TA, que, conformément à la jurisprudence du Conseil d’Etat, le principe de laïcité n’impose pas d’obligation de neutralité aux usagers du service public et que ceux-ci sont libres d’exprimer leurs convictions religieuses, y compris par leurs choix vestimentaires. Pour autant, en l’occurrence, il avance que le bon fonctionnement du service public est affecté par cette décision d’autoriser certaines tenues à la piscine, parce qu’elle est manifestement prise pour « céder à des revendications communautaristes à visées religieuses » et de nature, de ce fait, à entraîner des troubles à l’ordre public. Autorisation du burkini = communautarisme religieux  = atteinte à la laïcité et à la République.

Le Conseil d’Etat ne se place pas du tout sur ce terrain. Il se place sur celui de l’égalité des droits et des devoirs des usagers d’un service public et sur le plan de la sécurité. Il rappelle en effet que le gestionnaire d’une piscine publique peut tout à fait tenir compte des spécificités du public et, en particulier, de celles qui tiennent à des convictions religieuses. Sauf dans un cas : il n’a pas à les dispenser des règles communes imposées par l’hygiène et la sécurité, qui veulent que l’on porte, dans une piscine, des tenues « près du corps ». Si le gestionnaire prévoit une dérogation à ces règles communes, sans autre raison que religieuse, cette dérogation n’est pas fondée en droit et l’égalité entre usagers doit être rétablie.

Le burkini sera donc sans doute désormais interdit dans les piscines mais au même titre que le short ou les tee-shirt larges. Ailleurs, dans l’espace public, si l’ordre public est respecté, son usage ne posera pas de problème. La ville de Grenoble n’a pas porté atteinte à la laïcité mais à l’égalité de tous les usagers devant des règles communes justifiées : l’hygiène et la sécurité. C’est très différent. Lors de la préparation de la loi « laïcité », il avait été question d’interdire explicitement le burkini, avant de renoncer pour ne pas encourir une censure juridique : les signes religieux ne peuvent être interdits que s’ils portent atteinte à l’ordre public. Mais la France a du mal avec cette question et certains ont une soif d’interdiction sans frein. Le burkini est ridicule. Heureusement, il est aussi contraire à l’hygiène : après tout, tant mieux, cela évitera des décisions de maires opportunistes et des recours en justice d’autorités qui ne le sont pas moins.