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Urgences hospitalières : agir enfin

Le 31 mai 2022, le Président de la République, pour traiter la « crise des services d’urgence », confie au Dr Braun, président de SAMU-urgences de France (association de médecins urgentistes), le soin de formuler des propositions. La décision a surpris : depuis des années, en moyenne un ou deux rapports par an font le constat des difficultés des services d’urgence et propose des solutions. La mission flash reconnaît d’ailleurs s’inscrire dans le prolongement du rapport Grall de 2015 et Carli-Mesnier de 2017. Le 1er juillet, elle a avancé 41 propositions, immédiatement acceptées par la première ministre.

Le rapport a pourtant été mal accueilli, par les soignants surtout les mesures d’urgences préconisées pour passer l’été, qui sont pourtant celles-là même qu’ont mises en place certains grands établissements et qui ont contribué à faire connaître la crise à l’opinion publique : fermeture des urgences la nuit sauf urgences vitales, tri des patients, appel aux médecins retraités, autant de mesures de « casse du service public » selon P. Pelloux, qui pointe avant tout l’effort pour réduire l’arrivée des malades aux urgences. En fait, pourtant, c’est bien le nœud du problème.

Le rapport Braun rappelle d’abord la situation : pénurie de personnel médical dans quasiment tous les services d’urgence, avec un report du travail sur les personnels restants qui accélère les départs ; dans la moitié environ des services, manque de personnel non médical et difficulté à trouver un lit d’aval à la sortie des urgences ; en juin, sur 446 services d’urgence, 49 sont en fermeture partielle, 34 ont « régulé leur activité » et 6 ont fermé. La diminution de la densité médicale dans certains territoires complexifie la réponse mais les difficultés des services d’urgence sont sans lien avec la sous-dotation de certains territoires.

Le rapport établit ensuite le bilan des mesures du plan de 2019 (« Pacte de refondation des urgences ») mis en place à la suite de la précédente crise. Le constat est amer à lire : les mesures décidées ont fait l’objet de textes d’application mais aucune n’est pleinement effective, notamment pas les services d’accès aux soins (SAS) qui incarnent la volonté de partager entre médecins de ville et urgences hospitalières la demande de soins non programmés. Cette carence a une part de responsabilité dans la crise actuelle. Ce ne sont pas les décisions qui sont difficiles à prendre, c’est leur application qui ne suit pas, ou qui suit cahin-caha, ou qui est gênée par une réglementation qui vient la contrecarrer et que l’on n’a pas pensé à modifier…

Sur le court terme, pour « passer l’été », les orientations sont simples : la « régulation » des arrivées aux urgences doit être renforcée, les effectifs doivent être le plus possible confortés (appel aux retraités, prolongation des autorisations accordées aux médecins étrangers et amélioration de la rémunération des libéraux qui effectuent des actes pour un patient orienté par le SAMU/SAS). Un tri des malades doit être effectué avant l’arrivée aux urgences (si le patient appelle) ou à l’entrée des urgences. Les services peuvent fonctionner partiellement, les actes de télémédecine doivent être pris en charge à 100 % pendant l’été, les protocoles de coopération entre professionnels qui permettent aux pharmaciens et aux paramédicaux de prendre en charge certains actes médicaux doivent être étendus et mieux connus. Enfin, la recherche de « lits d’aval » doit être facilitée (le plan de 2019 prévoyait la mise en place d’une équipe de « gestionnaires de lit » qui doit devenir effective) et les EPHAD doivent pouvoir accueillir des urgences, en alternative à une hospitalisation.

Enfin, le rapport trace des perspectives pour le long terme. 20 à 30 % des passages en urgence sont à réorienter : il faut identifier et prendre en charge un pourcentage de « forts consommants » qui ne fréquentent que les urgences, faute d’être insérés dans un parcours plus traditionnel ; faire de la plate-forme numérique des « SAS » (service d’accès aux soins) le pilote de la régulation des appels (conseil, orientation vers une consultation de ville, admission directe en service de soins…) ; systématiser la téléconsultation ; prévoir effectivement le respect des « parcours de soins », en facilitant l’accès non seulement de premier recours mais de deuxième et troisième recours (imagerie médicale, biologie, cardiologie) pour empêcher un passage par les urgences destiné à accéder à ce type de soins. Le rapport se termine par la demande d’une meilleure rémunération des soignants, d’une amélioration de la qualité de vie au travail à l’hôpital et du développement, sans cesse promis, des « professions intermédiaires » entre paramédicaux traditionnels et médecins.

Le ministère en charge de la santé est-il capable de mener à terme une vraie réforme ou, comme en 2019, de se contenter d’annonces mal concrétisées ensuite, faute que toutes leurs conséquences, financières et organisationnelles, aient été anticipées ? Il est temps de s’y mettre vraiment, sans attendre la prochaine crise et le prochain rapport. Braun devient aujourd’hui ministre. A lui d’agir.

4 juillet 2022