Finances publiques, la grande incertitude

Géographie du vote, une France partagée
18 juillet 2022
Fonction publique : une politique salariale désordonnée
18 juillet 2022

Finances publiques, la grande incertitude

La Cour des comptes, comme chaque année, publie le bilan des finances publiques et adjure les pouvoirs publics de les redresser.

Le bilan est connu. La Cour rappelle que la période de croissance 2017-2019 n’a pas été mise à profit pour atteindre l’amélioration inscrite en loi de programmation des finances publiques. La faute au mouvement social des Gilets jaunes, qui a conduit à renoncer à certaines augmentations de recettes et à engager des dépenses nouvelles. Au final, le solde public a peu varié de 2017 à 2019 (aux alentours de -3 points de PIB) et le solde structurel (proche de -2,5 points) est resté quasiment inchangé.

Par la suite, la crise a vu une dégradation sans précédent, avec un déficit public 2020 de -8,9 points et, en 2021, de – 6,4 points, dû à la conjonction entre la baisse des recettes publiques et l’augmentation des dépenses, soutien à l’économie et aide au système de santé. La dette publique a atteint, fin 2021, 112,5 points de PIB : seuls l’Espagne, le Portugal et l’Italie sont dans une situation pire. Le solde structurel est à – 5,3 points, le plus élevé en Europe derrière l’Italie.

Pour 2022 et les années suivantes, le rapport de la Cour repose sur un paradoxe.

D’un côté, il souligne, à très juste titre, les fortes incertitudes qui pèsent sur 2022. Incertitudes d’abord sur la croissance, qui peut être affectée durablement par l’inflation mais aussi par la politique du zéro Covid en Chine et les difficultés d’approvisionnement qui en résultent, au point que les hypothèses des économistes évoluent, pour estimer la croissance, entre 3,3 % et 1,4 %. Pour ce qui est des finances publiques, les recettes devraient être meilleures que ne le prévoit la LFI mais les dépenses devraient être bien plus importantes, revalorisation des pensions des fonctionnaires, hausse de la valeur du point, plan de résilience lié à l’augmentation du prix de l’énergie, hausse probable des taux d’intérêt. Les années suivantes sont marquées des mêmes doutes : tout dépendra, de l’inflation, des taux d’intérêt, de la guerre…

De l’autre, malgré ces incertitudes qui sont loin de pouvoir être levées aujourd’hui, le rapport demande que la loi de programmation des finances publiques qui doit être adoptée cet automne soit enfin crédible et que la leçon soit tirée de l’échec des lois de ce type précédemment adoptées. Les recommandations sont de bon sens : choix d’hypothèses de croissance « réalistes » (auparavant, les projections ont toujours été très optimistes) ; prise en compte des programmations sectorielles déjà engagées ou prévisibles (programme 4 des investissements d’avenir, Plan France 2030, budget défense) et, surtout, économies documentées, alors que, jusqu’alors, les pouvoirs publics inscrivaient un chiffre limitant l’augmentation des dépenses publiques sans que l’on sache quel serait le secteur affecté. La Cour ne veut plus de cette désinvolture.

En outre, elle rappelle les conclusions de son rapport de juin 2021 proposant une « Stratégie pour les finances publiques » : elle y recommandait, pour la première fois, de concilier des investissements de croissance (investissements dans les compétences, stratégie industrielle…) avec un plan de maîtrise des dépenses publiques : de fait, si la croissance faiblit, le pays ne peut en réalité assainir durablement ses finances.

Tout cela est bel et bon. Mais comment faire, dans une situation instable économiquement, difficile politiquement et socialement ? Les hypothèses économiques sont de fait très incertaines et peuvent se dégrader dans les mois ou les années qui viennent. L’augmentation des taux d’intérêt peut perturber la donne. En outre, les besoins s’accumulent : dans le domaine de la Défense comme en ce qui concerne la justice, l’effort du quinquennat précédent n’a pas été suffisant et il faut sans doute prévoir au moins le même dans les 5 ans à venir. De plus, le candidat Macron a fait des promesses aux policiers (15 Mds de plus sur le quinquennat). Et pourra-t-on éviter tout effort pour une Education nationale malade ? Construire une loi de programmation sincère et fiable dans ses conditions, c’est une gageure, encore plus si l’on veut y projeter une amélioration de la situation des finances publiques. Gageons que l’exercice, devant ces difficultés, gardera son caractère quelque peu artificiel.