Fonction publique : une politique salariale désordonnée

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Fonction publique : une politique salariale désordonnée

Le quinquennat d’Emmanuel Macron s’était ouvert en 2017 sur l’annonce de mesures restrictives justifiées par l’objectif de baisser de 3 points les dépenses publiques (56,4 % du PIB en 2016) dans les cinq ans. Parmi elles, figurait un nouveau gel de la valeur du point de la fonction publique, déjà mis en œuvre de 2010 à 2016 (à la fin du quinquennat Hollande, les fonctionnaires ont bénéficié de deux augmentations de 0,6 % chacune) et qui aura duré de 2017 jusqu’à 2022. L’inflation, la nécessité de faire un geste pour des catégories oubliées par les pouvoirs publics ont rendu nécessaire une décision d’augmentation. En juillet, le point d’indice devrait augmenter de 3,5 %.

Le coût pour les finances publiques est important, 7,5 Mds pour les trois fonctions publiques.

Les syndicats protestent contre une revalorisation trop faible, arguant de la baisse du pouvoir d’achat des fonctionnaires. Pour l’avenir, si l’inflation continue à grimper, le risque existe. Pour le passé, ce n’est pas le cas : d’abord parce que les fonctionnaires bénéficient d’avancement d’échelons et de promotions et donc que leurs rémunérations, en réalité, augmentent, même si la valeur du point d’indice ne bouge pas : on ne peut le voir en prenant en compte l’évolution, assez faible, du salaire moyen, qui reflète l’effet « noria », c’est-à-dire la substitution de fonctionnaires jeunes et moins bien payés à des fonctionnaires en fin de carrière qui partent en retraite. Si l’on prend en compte les seuls salariés présents deux ans de suite au même poste, en 2020, le salaire net moyen a augmenté de 2,2 % en euros constants par rapport à l’année précédente dans la fonction publique d’Etat et de 1,5 % dans la fonction publique territoriale. De plus, pour les fonctionnaires qui faute d’avancement, verraient leur pouvoir d’achat altéré sur une période de 4 ans, un dispositif, la GIPA (garantie individuelle de pouvoir d’achat) verse une compensation financière.

En revanche, le gel a des effets néfastes sur l’attractivité de la fonction publique : sauf mesures particulière, les salaires d’entrée ne bougent pas et la comparaison avec les salaires du secteur privé, à qualification égale, est défavorable.

Surtout, la décision 2022 d’une augmentation tardive et ponctuelle révèle l’incapacité de l’Etat employeur à définir une politique salariale de moyen terme. La politique salariale publique est vue comme un outil d’ajustement budgétaire, avec des à-coups peu rationnels, sans doctrine stable sur la part que doivent y prendre les avancements ou les revalorisations (générales ou catégorielles) et sans vision pluriannuelle. De plus, cette politique est de facto devenue unilatérale : le dernier accord salarial négocié avec les organisations syndicales date de la fin des années 1990.

Enfin, l’on assiste parallèlement à des négociations salariales en urgence, surtout dans les secteurs où les conditions de travail et la difficulté des recrutements mettent en danger le service public : naguère c’était le cas des surveillants pénitentiaires et des policiers, hier du personnel de santé dans le Ségur de la santé, demain sans doute des enseignants. Ces négociations particulières vident un peu de son sens la question générale de l’évolution de la valeur du point.

De telles négociations catégorielles sont sans doute nécessaires mais elles paraissent toujours décidées trop tard, comme si l’Etat ne parvenait pas à anticiper les besoins et rétablir lui-même l’équité.

En 2017, le ministre de l’action et des comptes publics s’était publiquement demandé si généraliser la valeur du point d’indice à l’ensemble des fonctionnaires était la meilleure manière de les rémunérer et s’il ne fallait pas plutôt raisonner par métiers.  A l’évidence, il avait raison : toute GRH repose sur la « segmentation » des publics, c’est-à-dire les différences opérées entre catégories ou métiers pour tenir compte de leur prix, de leur rareté, de la pénibilité de la pratique professionnelle…bref, pour mener une politique de GRH. Pour autant, les fonctionnaires ne veulent pas de ce système et sa mise en place risquerait d’être très compliquée. Dans la pratique, il s’installe pourtant peu à peu, mais de manière confuse. Au final, il faudrait sans doute remplacer le système actuel de revalorisation générale par de nouveaux dispositifs qui lieraient, par métier ou secteur d’activité, rémunération, prise en compte des conditions de travail et amélioration des pratiques professionnelles, avec, si possible, des accords salariaux de moyen terme. Le caractère désordonné de la politique salariale publique actuelle montre que l’on en est très loin aujourd’hui.