Géographie du vote, une France partagée

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Géographie du vote, une France partagée

Le site Métropolitiques publie le 28 juin 2022 une note d’A. Delpirou et de F. Gilli sur la dimension géographique du vote lors des élections présidentielles et législatives 2022 (« Après les élections, géographies plurielles d’une France en déséquilibre ») https://metropolitiques.eu/Apres-les-elections-geographies-plurielles-d-une-France-en-desequilibre.html.

Les auteurs récusent très vite l’utilisation, comme fil conducteur de l’analyse, de la distinction entre métropoles et France périphérique : si « quatre France », quantitativement assez proches, se dégagent après les élections, celles de l’abstention, d’E. Macron, de J-L Mélanchon et de M. Le Pen, c’est bien le vote Mélanchon qui est arrivé en tête à la fois dans le cœur des métropoles (30 % des votes dans les centres-villes des aires urbaines de plus de 150 000 habitants) et dans les villes les plus pauvres (29 % des suffrages dans les 10 % des communes aux revenus les plus faibles). De même, E. Macron obtient certes de bons résultats dans les métropoles mais aussi dans les villes de la diagonale du vide, comme Bourges, Châteauroux, Roanne ou Moulins.

Pour autant, les auteurs reconnaissent que l’espace compte : cartes à l’appui, ils expliquent que la ligne de fracture la plus importante n’est ni entre villes et campagnes, ni entre métropoles et périurbain, mais entre la France de l’ouest et du sud-ouest, la France du nord et de l’est et celle du pourtour méditerranéen. Ainsi, E. Macron, qui séduit les électeurs âgés et métropolitains, n’a pas obtenu de bons résultats en PACA, la région la plus vieille de France où les métropoles sont nombreuses. Le constat n’est pas nouveau et s’explique largement par l’histoire (désindustrialisation du nord et de l’est, installation des pieds noirs dans le midi), sachant toutefois que ces événements traumatiques datent désormais.

Restent à tester d’autres facteurs d’explication, ce que font les auteurs avec un certain succès : les départements de faible mobilité sociale (ceux où la proportion des ouvriers devenus professions intermédiaires ou cadres est la plus faible) et ceux où la part des jeunes sans diplôme est la plus forte sont aussi ceux où le vote Macron n’a pas été dominant : à vrai dire, au vu des cartes, c’est surtout le second critère qui semble le mieux corrélé. Pour le nord et l’est, la proportion d’emplois industriels sous domination étrangère permet également d’établir une corrélation, comme si les citoyens renâclaient devant des patrons plus lointains soupçonnés d’organiser à leur profit l’économie mondiale et qui ont le pouvoir d’« arbitrer entre les sites ».

Quant aux critères du chômage et de la précarité, ils valent pour le vote des bassins d’emploi (pas pour celui des communes). C’est localement la persistance du chômage de masse qui semble avoir le plus d’influence sur le vote : les zones qui ont été les moins « résilientes » et qui n’ont pas retrouvé le niveau d’activité d’avant 2008 sont celles qui ont le moins voté pour E. Macron.  Il en est de même des bassins en « déprise démographique » (ou, dans le midi, au contraire, de ceux en explosion démographique désordonnée).

Que recherche cette analyse ? Elle tente de savoir si le vote « protestataire » ne s’expliquerait pas davantage par le sentiment de ne pas avoir prise sur son avenir que par les critères purement économiques de revenu ou d’insuffisance de la redistribution, sachant que cette dernière est importante (c’est dans le Nord et les Pyrénées-Orientales que la redistribution réduit le plus les inégalités).  Elle suggère que la représentation des territoires joue sans doute dans les choix politiques un rôle fort, tout comme le sentiment de crainte ou d’impuissance devant l’avenir. C’est en fait une autre manière d’exprimer l’importance de l’absence d’espoir dans l’avenir, qui explique, on le sait, une grande part du vote d’extrême droite.