Données sur l’immigration :quoi de neuf?

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Données sur l’immigration :quoi de neuf?

Dans l’édition 2023 de son étude périodique sur « Immigrés et descendants d’immigrés en France (Insee références), l’Insee dresse un tableau très complet de l’ensemble des données disponibles sur les immigrés, dont il faut rappeler la définition, personne née étrangère dans un pays étranger, quelle que soit sa nationalité ultérieure. L’étude traite de la population installée, des flux, de la situation sur le marché du travail, des conditions de vie, de la vie sociale, citoyenne, des croyances religieuses et des discriminations. Elle inclut des données sur la situation des descendants d’immigrés, reconnaissant ainsi que les enfants, le plus souvent nés en France et/ou y ayant grandi, ne peuvent pas ne pas avoir été marqués par la migration, au moins rupture et parfois traumatisme, avec une insertion inégalement difficile.

Il est intéressant de souligner les changements et les constantes dans les constats effectués depuis des années.

L’Insee souligne d’abord le changement dans l’origine de la population immigrée installée, ce qui reflète l’histoire des diverses strates migratoires. En 1968, les immigrés installés en France provenaient d’Europe à plus des ¾, surtout l’Europe du sud (Portugal, Espagne), et à 20 % du Maghreb, les quelques pour-cents restants venant d’Asie, d’Afrique noire ou d’Amérique. En 2021, un tiers des personnes admises vient d’Europe, mais d’une Europe plus diversifiée, allant parfois au-delà des frontières de l’Union, 29 % viennent du Maghreb, 18 % d’Afrique noire, 13,5 % d’Asie et le solde d’Amérique. En réalité, ce changement dans les origines n’en est pas un : depuis les débuts de l’immigration, au XIXe siècle, l’origine des immigrés n’a cessé d’évoluer. La mondialisation progressive des flux n’est pas une véritable nouveauté.

Autres changements, la population immigrée est plus féminine (52 % en 2021 contre 44 % en 1968). Les motifs ont évolué avec les choix de la politique d’accueil et les perturbations (guerres, famines, dictatures) de la vie internationale : en 2007, le motif familial (installation après mariage ou regroupement familial) représentait 51 % des premiers titres accordés, les titres destinés aux étudiants un gros quart (27 %) et les motifs économique (6,8 %) et humanitaire (9 %) étaient plus limités. En 2021, la proportion des titres pour motif familial a fortement baissé (31,7 %), au bénéfice des titres étudiants (32,4 %), humanitaires (14,6 %) et économiques (13,3 %). Ces données s’accompagnent d’une augmentation des flux : le nombre de premiers titres accordés est passé de 172 000 en 2007 à 271 000 en 2021. Enfin, si la population immigrée est toujours nettement moins diplômée que l’ensemble des non immigrés (38 % des immigrés n’ont aucun diplôme contre 16 % des non-immigrés et 32 % un diplôme de l’enseignement supérieur contre 40 %), les tranches d’âge d’immigrés plus jeunes sont proches de la population majoritaire, du moins pour ce qui est des diplômes de l’enseignement supérieur.

Quant à ce qui ne change pas, on peut relever d’abord que, malgré l’augmentation de la proportion d’immigrés dans la population résidente (elle est passée de 7,5 % en 1975 à 10,3 % en 2021), les comparaisons internationales (qui se fondent sur la proportion d’étrangers vivant dans le pays et de personnes nées à l’étranger) montrent que la France se situe au niveau de la moyenne européenne, loin de pays comme le Luxembourg, l’Allemagne, l’Irlande, l’Autriche, la Belgique, la Suède, qui accueillent bien davantage d’étrangers.

Parmi les constats toujours valables, l’on peut noter également la surreprésentation des immigrés aux âges actifs, le faible taux d’activité des femmes (très lié au pays d’origine) et l’importance du taux de chômage (en 2021, 13 % contre 7 % pour le reste de la population) : les immigrés ont globalement le même taux de chômage que les ouvriers non qualifiés (le taux de chômage est très lié à la catégorie socioprofessionnelle) et les différences de taux tiennent à l’origine (les européens ont un taux de chômage moindre). Les immigrés sont davantage ouvriers, moins souvent cadres et travaillent davantage dans la construction et les services à la personne. Ils sont plus souvent frappés par le sous-emploi et, à temps complet, leur salaire médian est inférieur à celui des non-immigrés. Leur niveau de vie médian est nettement inférieur et leur taux de pauvreté deux fois plus élevé. Dans un ensemble marqué par des disparités fortes (la situation des immigrés reste variable, en fonction notamment de l’ancienneté de l’installation et de l’origine), ce sont les immigrés extra-européens dont la situation est la plus difficile.

La situation des descendants d’immigrés fait également partie des invariants : pour eux, tous les écarts se réduisent et, en particulier, les niveaux de diplômes sont équivalents à ceux de la population majoritaire. Cependant, des écarts demeurent, en termes de taux de chômage, de rapidité d’insertion professionnelle et de niveau de rémunération : les descendants d’immigrés déclarent, plus souvent que les immigrés eux-mêmes, être victimes de discriminations, sans doute parce qu’ils s’y attendent moins et la trouvent plus injuste.

Resterait à s’interroger sur la rapidité et la qualité de l’insertion professionnelle des primo-migrants et sur la capacité des pouvoirs publics à les améliorer, au regard, le cas échéant, de l’action menée dans les autres pays : en France, en 2019, un an après la délivrance de leur premier titre de séjour, 73 % seulement des hommes sont en emploi, 60 % à temps plein et 13 % à temps partiel. C’est peu au final, d’autant que les personnes qui ont obtenu un premier titre étaient, pour une part non négligeable (50 %), présents dans le pays depuis au moins 4 ans et plus souvent en emploi : l’insertion des « vrais » primo-arrivants est sans aucun doute longue.