Gaz à effet de serre : les inquiétudes

Adapter la ville au dérèglement climatique : l’exemple de Paris
8 mai 2023
Logement : quelle politique pour répondre à la crise?
22 juin 2023

Gaz à effet de serre : les inquiétudes

Le CITEPA a fait paraître le 5 juin 2023 le bilan (encore provisoire) des émissions de GES 2022. Ces émissions sont en baisse de 2,7 % par rapport à 2021, année qui avait connu un rebond après la baisse de 2020, et tout porte désormais à croire que le « budget carbone » défini par la Stratégie nationale bas carbone pour 2019-2023 (un budget annuel moyen de 422Mt de CO2 eq pour ces 5 années) a de bonnes chances d’être respecté.

Pourtant, les données publiées soulèvent de nombreuses inquiétudes.

En premier lieu, c’est pour des raisons plus conjoncturelles que structurelles que le budget carbone 2019-2023 pourra sans doute être tenu : en 2020, lors de la crise sanitaire, les émissions ont baissé de 9 % (elles sont passées de 431,1 à 392,3 MT de CO2eq) avant de remonter à 414,8 MT CO2eq en 2021 : la baisse de l’activité économique de 2020 a amélioré les résultats. Quant à la baisse de 2022, elle s’explique par l’augmentation des coûts de l’énergie qui a conduit les particuliers à diminuer leurs dépenses de chauffage et le secteur industriel à réduire sa consommation. Il n’est pas certain que cet effort soit repris si le prix de l’énergie revient à un niveau plus modéré.

De plus, si les émissions des secteurs bâtiments et industrie ont baissé en 2022, les émissions du secteur transports ont augmenté (+ 2,3 %) du fait, pour l’essentiel, du transport routier. Pour ce secteur, l’avenir est préoccupant car le recours aux énergies fossiles y domine sans que soient aujourd’hui prévues des alternatives crédibles, développement du fret ferroviaire ou recours à des énergies propres.

Deuxième sujet d’inquiétude, la référence à la stratégie nationale bas carbone (SNBC) adoptée en 2019 est désormais obsolète : les budgets carbone qui y sont prévus visent un objectif de diminution des GES de 40 % à horizon 2030. Or, cet objectif est désormais modifié, la baisse devant atteindre 55 %, sans que la SNBC ait encore été mise à jour. Le respect du budget carbone 2019-2023 perdra donc tout intérêt. Surtout, atteindre le nouvel objectif impliquera de respecter une baisse des émissions de 4,1 % par an de 2022 à 2030, soit le double de la baisse constatée de 2019 à 2022. L’on ne sait trop comment ce résultat pourrait être atteint : il est en effet très difficile d’évaluer l’impact des politiques mises en œuvre. L’on ignore l’impact des rénovations énergétiques des bâtiments, sans doute faibles, compte tenu du caractère ponctuel (et non global) des rénovations effectuées ; la décarbonation des entreprises industrielles est engagée mais de manière trop récente pour que les résultats soient décisifs. Quant au secteur des transports, comme indiqué supra, les évolutions sont à peine engagées pour le transport automobile des particuliers et pas du tout pour le transport de marchandises.

Enfin, le ministère de l’écologie lui-même met l’accent sur une inquiétude de fond, la baisse de la capacité d’absorption des « puits de carbone ». La SNBC repose en effet sur un objectif de neutralité carbone à horizon 2050, date à laquelle les émissions résiduelles de carbone devraient être absorbées par les puits que sont les forêts et prairies. Ce scénario suppose une forte augmentation de la capacité d’absorption des années 2010, par extension et meilleure gestion des forêts. Or (et le phénomène n’est pas nouveau), depuis 2008 et surtout 2013, la capacité d’absorption du carbone par les forêts a d’abord stagné puis a nettement diminué, du fait d’une exploitation plus importante et de l’augmentation de la mortalité des arbres (plus de 50 % entre la période 2005-2013 et la période 2012-2020), due notamment à la sécheresse ou aux maladies. La mise à jour de la SNBC devra en tenir compte. Sur le fond, la lutte contre le dérèglement climatique imposerait de se préoccuper bien davantage de nos forêts, qui dépérissent et risquent à l’avenir, si rien n’est fait, de contribuer aux émissions de GES au lieu de les diminuer.