Rapport du Conseil d’Etat sur les services publics : tant à dire pourtant…

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Rapport du Conseil d’Etat sur les services publics : tant à dire pourtant…

L’étude annuelle du Conseil d’État publiée cet été porte sur « L’usager du premier au dernier kilomètre de l’action publique ».

Au départ, le lecteur peut avoir l’espoir que le thème de l’usager des services publics va être abordé de manière complète : l’avant-propos souligne que les politiques publiques doivent prioritairement atteindre leurs destinataires et partir des attentes de l’usager. Il note que les institutions publiques qui ont vocation à délivrer le service attendu des usagers sont elles-mêmes « parfois » en crise, crise de moyens, crise de sens, crise de confiance.

Et puis…le problème est ensuite abordé comme si les relations avec les usagers connaissaient certes des dysfonctionnements mais qu’avec un peu de bon sens et de « bonnes pratiques » l’on pourrait aisément y apporter des réponses. Il est beaucoup question de la dématérialisation, de l’inflation normative et de la complexité des démarches, pas mal de la réduction des fonctions d’accueil dans les préfectures et les caisses de sécurité sociale, peu de la disponibilité des services publics et de ses faiblesses.

Les principaux services publics sont, faut-il le dire, plongés dans une crise très profonde, qui ne tient pas « au dernier kilomètre » mais tout simplement à leur longue paupérisation. Certains ne sont déjà quasiment plus accessibles à une large partie de la population. Le rapport aurait donc gagné à être davantage centré sur la disponibilité réelle du service et sur sa qualité. Au-delà de ce premier regret, le lecteur en éprouve un autre : encombré de considérations sociologiques, philosophiques, historiques voire managériales sur l’évolution des acteurs, le rapport manque singulièrement de tonus, alors que le sujet aurait dû le conduire à être bien plus incisif. Qui  a déjà cherché sur Internet un rendez-vous en préfecture pour aider un réfugié à déposer une demande d’asile, qui a recherché une place d’hospitalisation pour une très vieille personne, qui a mesuré le manque de professeurs qualifiés dans les zones déshéritées du territoire ou qui a attendu des années un jugement tout simple (durée moyenne : 4 ans avec l’appel, au point que tous les avocats, pris de pitié, vous conseillent de renoncer), qui a un jour espéré une réponse à une réclamation pour le mauvais déroulement d’un examen ou s’est interrogé sur la diminution des contrôles sanitaires n’aura pas le sentiment que le rapport identifie avec suffisamment de force les carences  vécues par les usagers, créatrices d’angoisse, de sentiment d’impuissance et parfois de rage. Et que dire d’une phrase du Conseil d’État sur « la relation ambivalente » des usagers avec la justice, qui « éprouvent des ressentis parfois contradictoires » à l’égard d’une justice « jugée trop rapide pour les comparutions immédiates et trop lente pour décider de la garde d’un enfant ». Contradictoires ces attentes, vraiment ? Qu’un juge, à minuit passé, prononce à tour de bras des peines de prison ferme devant des avocats qui ont eu 10 minutes pour lire le dossier, ou qu’il mette un an à prendre une décision qui concerne l’équilibre affectif d’un enfant, le résultat est bien le même : c’est l’usager qui trinque. On peine à voir, dans une demande de qualité toute simple, la moindre « contradiction ».

Sur les services publics, il faut plutôt lire le rapport L’état des services publics, publié en ce mois de septembre par un collectif d’experts et d’agent de terrain, qui en quelques chapitres vifs (Éducation, santé, justice…) touche bien plus juste. L’on retombe dans la revendication de moyens, dira-t-on. Certes, mais au vu des constats, telle bien la question dominante.

 

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