Désmigardiser la France, comment faire ?

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Désmigardiser la France, comment faire ?

Le premier ministre, dans son discours de politique générale de janvier dernier, s’est engagé à désmigardiser le pays.

La question résulte d’un constat lié, en partie, à la forte inflation de la période récente puisque le SMIC est indexé sur l’inflation. Selon la Dares, le pourcentage de personnes payées au SMIC a fortement augmenté en 2022 et 2023, passant de 12 % en 2021 à 14,5 % en 2022 puis 17,3 % en 2023, hors primes néanmoins.

Selon le chef du gouvernement, la responsabilité incomberait aussi à l’Etat qui, dans le cadre de sa politique de l’emploi, a choisi de concentrer l’exonération des charges sociales au niveau du SMIC.

Le Monde a publié, le 2 avril dernier, un très intéressant article sur les pistes qui pourraient être suivies pour réduire la proportion des personnes payées au SMIC.

La première piste, sans doute la plus sérieuse, est de lisser davantage les exonérations de charges en les répartissant de manière différente : aujourd’hui, elles sont maximales au niveau du SMIC, diminuent en biseau jusqu’à 1,6 SMIC, relayées ensuite par une diminution de la cotisation maladie jusqu’à 2,5 SMIC et de la cotisation familles jusqu’à 3,5 SMIC.  Le coût total de ces exonérations pour la collectivité est de 74 Mds, ce qui est énorme.

Sur ce thème, un rapport récent (le rapport Ferraci-Guedj) considère, à l’instar de la plupart des économistes, que les exonérations au-delà de 2,5 SMIC n’ont aucun effet sur l’emploi, au rebours des exonérations sur les bas salaires. La solution pourrait être de supprimer les exonérations au-delà de ce seuil et de rendre moins abrupte la courbe des exonérations en deçà, le surcoût éventuel d’un tel lissage pouvant être financé par une augmentation de la CSG.

L’État pourrait également choisir de réduire les primes qu’il verse, notamment aux ménages qui ont de faibles revenus : la prime d’activité correspond en effet à un choix quelque peu paradoxal de l’État, qui consiste à encourager le travail en complétant, par une prime qu’il finance, les bas salaires (ou plutôt les bas revenus puisque le versement de la prime dépend des revenus du foyer). Le risque est clair : cette prime ne dispense-t-elle pas les employeurs de procéder à une augmentation salariale ? La supprimer représente cependant une solution très théorique, sauf à priver d’une aide des populations modestes, sans garantie que les salaires augmentent par ailleurs.

Dans le même esprit, la prime dite « de partage de la valeur », payée par les employeurs, pourrait être supprimée : elle permet aux employeurs de verser un complément de salaire (facultatif) exonéré de cotisations sociales. Sa suppression pourrait les inciter à l’intégrer dans le salaire.

Le SMIC pourrait aussi être désindexé ou les exonérations actuelles conditionnées à la suppression des minima de rémunération inférieurs au SMIC qui existent encore dans certaines branches.

Le projet le plus ambitieux (mais sans doute le moins crédible) serait d’encourager les accords collectifs sur le « rééquilibrage du partage de la valeur », entre actionnaires et salariés, par exemple en resserrant la hiérarchie des salaires ou en indexant partiellement ou totalement certains salaires modestes sur l’inflation. Ce partage est en effet stable depuis des décennies et souvent jugé injuste. D’une manière plus générale, il est clair que les branches ont du mal à négocier des accords salariaux, surtout en période d’inflation : or, nombre de grilles de rémunération dans les branches mériteraient révision. Il ne serait ainsi pas absurde de compter les heures de déplacement des aides à domicile comme du travail. Sans doute faudrait-il encourager ces négociations sociales.

Le sujet de la « désmigardisation » est donc un sujet sensible et pose de bonnes questions, avec le risque, à la fin, que l’État ne cherche à y gagner et que les salariés y perdent…