Programmation pluriannuelle de l’énergie: pas de débat au Parlement

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Programmation pluriannuelle de l’énergie: pas de débat au Parlement

Les objectifs de transition énergétique sont détaillés, depuis la loi de 2015, dans deux documents de programmation. La Stratégie nationale bas carbone (SNBC) chiffre, par période de 5 ans, les « budgets carbone » (les plafonds d’émission des GES), globalement et par grand secteur d’activité. La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) définit le mix énergétique prévisionnel. Or, ces deux documents sont obsolètes depuis 2020 : ils n’intègrent pas les objectifs fixés depuis lors, en particulier le nouvel objectif de baisse des émissions de GES en 2030 à -55 % (au lieu de 40 %) des émissions de GES par rapport à l’année 1990. Ils ne tiennent pas compte non plus des perspectives qui se dessinent depuis quelques années, augmentation de la consommation d’électricité dans le mix énergétique, évolution programmée du mode de production de l’électricité, capacité à diminuer notre consommation d’énergie totale.  Il serait urgent de les actualiser pour disposer d’une feuille de route sur les engagements pris et sur les moyens définis en regard pour les mettre en œuvre, souvent présentés jusqu’ici de  manière trop générale et pas toujours crédible.

Le gouvernement vient d’annoncer son intention d’adopter une nouvelle PPE, mais par décret.

Or, depuis une disposition de la loi du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat inscrite à l’article 100-1 A du Code de l’environnement, c’est une loi (intitulée « loi de programmation énergie et climat ») qui définit les objectifs de la politique énergétique nationale tous les 5 ans, sur deux périodes successives de 5 ans, loi qui, selon les textes, aurait dû être adoptée avant le 1er juillet 2023.

Cette décision de recourir au décret résulte de la crainte du gouvernement de ne pas voir validés des choix de politique énergétique sur lesquels, en réalité, il s’est déjà largement engagé. Mais le risque politique et juridique est bien présent pour autant et on ne voit pas comment un document adopté par l’exécutif sans l’aval de la représentation nationale et en violation des textes pourrait être légitime. S’en excuser en disant que c’est la foire d’empoigne au parlement avec un refus par la droite des énergies renouvelables et un refus par les écologistes du nucléaire, cela n’a pas de sens.

La dérive n’est pas que formelle, elle soulève les soupçons, au moins le soupçon d’indifférence et d’incurie. Le 2 avril dernier, le Haut Conseil pour le climat a adressé au Premier ministre une lettre de rappel à l’ordre : en dépit de l’urgence climatique, en dépit de la nécessité impérieuse d’avoir une visibilité sur les actions que le gouvernement doit engager sur le moyen et long terme, en dépit aussi du besoin de protection des ménages et des entreprises, aucun des documents de planification dont la loi impose la publication n’a été publié : ni la loi visée ci-dessus sur la programmation de l’énergie, ni non plus la stratégie française énergie et climat, nouveau document qui intègre l’ensemble des stratégies climatiques (programmation de l’énergie, objectifs de la Stratégie nationale bas carbone, avec la définition des budgets carbone futurs, au niveau national et par secteurs d’activité et objectifs du plan national d’adaptation au changement climatique). Et pour cause : les documents qui permettraient ces synthèses, programmation de l’énergie, stratégie bas carbone et plan d’adaptation n’existent qu’à l’état de projet.

Comment atteindre la neutralité carbone en 2050 sans planification, sans budgets plafonds des émissions de GES et sans mention des moyens pris pour respecter ces plafonds dans les transports, le logement, l’industrie, l’agriculture ? S’agit-il d’une baisse des ambitions ? D’une incapacité à concilier les objectifs déjà définis et les moyens mis en œuvre sectoriellement ? Mais alors comment protéger la population des évolutions du climat si aucune stratégie n’est publiée ou avec tant de retard qu’elles ne sont guère utilisables ?

Apathie du gouvernement dans le domaine de la planification écologique, peur des critiques sur les orientations prises, autant de signaux négatifs envoyés sur ce qui devait être la priorité du quinquennat…