Les services d’étude et de statistiques du ministère du travail creusent inlassablement leur sillon. Deux documents récents (Comment les employeurs préviennent-ils les risques professionnels ? Dares Analyses, mars 2024, et Les salariés du privé sont-ils informés des risques liés à leur activité professionnelle et bénéficient-ils de dispositifs de prévention ? Dares analyses, avril 2024) montrent, comme les précédentes études, combien le risque professionnel est négligé en France.
Dans ce domaine, les obligations de l’employeur sont fortes. Il doit « assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs » (article L4121-1 du Code du travail) et respecter certains « principes de prévention » (L4121-3) : ceux-ci l’obligent à éviter les risques, à évaluer ceux qui ne peuvent être évités et à les combattre à la source (soit le plus en amont possible). Les risques mentionnés intègrent, outre les risques physiques, les risques psycho-sociaux (RPS), exposition au stress, mal-être, souffrance dans le travail, dès lors que les causes ne sont pas à rechercher dans les seules contraintes physiques imposées.
L’évaluation des risques doit conduire l’employeur à mettre en place une organisation du travail qui réponde au mieux aux impératifs de prévention des effets du travail sur la santé. L’article R 4121-1 prévoit ainsi l’établissement obligatoire par tous les employeurs d’un « document unique » d’évaluation des risques (DUER), actualisé chaque année, qui énumère tous les risques auxquels sont exposés les salariés, les évalue et comporte des préconisations pour les réduire.
Or, en 2016, 45 % seulement des employeurs disposaient d’un « Document unique » actualisé. En 2019, c’est 46 %, dont une part seulement (47 % dans le secteur privé, 48 % en tenant compte du secteur public) traite des risques psychosociaux. Il est vrai que 72 % des salariés sont couverts (la taille joue, les petits établissements sont les moins couverts). De même, le pourcentage de couverture par un document unique atteint 63 % pour les établissements qui déclarent par ailleurs plusieurs risques physiques.
Malgré tout, les chiffres restent médiocres.
Ils sont mauvais quant à l’information des salariés sur les risques qu’ils courent : alors que 52 % des salariés sont exposés, de manière élevée ou très élevée, à des facteurs de pénibilité physique, moins de la moitié d’entre eux (46 %) ont reçu dans l’année une information sur les risques. Les femmes, les salariés des petits établissements, les employés sont les moins bien informés.
59 % des salariés n’ont de plus même pas connaissance du « Document unique » de leur établissement, tout comme 57 % des salariés les plus exposés.
Enfin, en 2019, 52 % des établissements ont réalisé au moins une action de prévention contre les risques physiques. Là aussi, le pourcentage croît avec les risques déclarés et atteint 74 % dans les établissements cumulant des risques physiques, les risques psychosociaux étant davantage négligés. La taille là aussi joue : le pourcentage des personnels relevant d’établissements de 250 salariés ou plus qui bénéficient au moins d’une action de prévention dans l’année est bon (98 %). Il est beaucoup plus médiocre pour les petits établissements (46 % en moyenne ont réalisé une action au moins, 71 % quand ‘établissement déclare au moins un risque physique).
Au final, la prévention du risque professionnel joue mal son rôle : en ce domaine, les textes ne suffisent pas. Il faut que les employeurs en comprennent la nécessité ou soient mieux contrôlés : ce n’est manifestement pas le cas.