La nouvelle ministre de la transition énergétique s’est publiquement réjouie de la baisse des émissions de gaz à effet de serre durant le premier semestre 2024, qui fait suite à une baisse sur l’année 2023. Le Citepa, organisme en charge de faire l’inventaire des gaz à effets de serre et des gaz polluants dans l’atmosphère, a de fait publié des données provisoires apparemment très satisfaisantes : après une baisse de 5,8 % en 2023, la première moitié de 2024 a connu une baisse de 3,6 % par rapport à la même période de l’année précédente. En 2023, tous les secteurs y avaient participé : production d’énergie, industrie, bâtiments, transports et agriculture. Il en est de même au premier trimestre 2024, un peu moins au deuxième, où le secteur bâtiments baisse peu.
Pourquoi le triomphalisme de la ministre est-il sans doute un peu imprudent ? D’abord parce qu’il existe toujours une hésitation sur le caractère structurel ou conjoncturel de la baisse. En 2023, la baisse s’expliquait, au moins pour une part, par la crise énergétique et le renchérissement des prix (qui avaient porté les consommateurs à l’économie) et par la reprise d’activité des centrales nucléaires arrêtées l’année précédente pour révision. Le rapport du Haut Conseil pour le climat de septembre 2024 (Cap sur la décarbonation) estime à un tiers le jeu de ces facteurs conjoncturels en 2023. En 2024, certains d’entre eux continuent à jouer et la baisse des gains (- 5,8 % en 2023, – 4,9 % au premier trimestre 2024 et – 2,1 % au deuxième) n’est pas très rassurante.
Or, il faut que la trajectoire se poursuive pour atteindre les objectifs : le niveau atteint en 2023 est de 396 MteqCO2, La trajectoire de réduction pour atteindre la cible, aujourd’hui provisoirement définie à 270 MteqCO2 en 2030 hors puits de carbone (provisoire car définie en l’absence de Stratégie nationale bas carbone officiellement adoptée), implique une réduction de 4.7 % /an (soit -16 Mt CO2e /an en moyenne) entre 2022 et 2030. La baisse a été de 22,8 Mt en 2023, dont 15 Mt explicables par des facteurs structurels. Il faudra donc attendre les résultats de l’année 2024 dans son entier et, peut-être, celle de 2025 pour savoir si la tendance à la baisse est confirmée.
En second lieu, les chiffres du Citepa concernent les émissions brutes et il reste à mesurer les émissions nettes une fois connues les absorptions de GES par les puits de carbone, forêts, terres et prairies. Faute d’objectifs actualisés (les anciennes SNBC sont obsolètes et l’on n’a pas de données précises sur l’absorption des années récentes), on est dans le bleu en ce domaine, sauf à redouter un affaissement de ces capacités d’absorption qui rendrait inatteignables les objectifs de 2030 (baisse de 55 % des GES par rapport à 1990). Or, il semble bien que les puits de carbone ne remplissent plus bien leur rôle. Le rapport du HCC de septembre 2024 considère que, du fait de « l’effondrement du puits de carbone forestier », le budget carbone 2019-2023 consommé, une fois calculé en « émissions nettes », dépassera probablement le budget prévu. Il s’inquiète alors, légitimement, de la capacité du pays à atteindre les objectifs 2030, dont l’atteinte impose de baisser les émissions nettes 1,3 fois plus vite que de 2019 à 2023. Il réclame donc une meilleure lisibilité des résultats (la publication des objectifs actualisés est impérative), une politique en faveur des espaces forestiers, l’élaboration d’une planification écologique encore dans les limbes et le renforcement des politiques sectorielles (bâtiments, industrie…).
Mais quel poids ont les rapports du Haut conseil pour le climat ? Aucun.