Le 7 juin 2024, la Cour des comptes a transmis au Premier ministre un référé sur la fiscalité énergétique, dont les conclusions ont ensuite été, en septembre, développées dans un rapport intitulé La place de la fiscalité de l’énergie dans la politique énergétique et climatique française.
La Cour considère que la fiscalité énergétique, qui rapporte 60 Mds à l’État (et qui représente, pour les ménages, 43 % du prix hors taxes de l’énergie destinée au logement et 140 % de celui du transport), n’est pas identifiée comme un outil d’incitation à la modification des comportements, malgré l’introduction, en 2014, d’une composante « carbone » dans la Taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques (TICPE), composante dont l’évolution a été gelée en 2018. Alors que le Haut conseil pour le climat a demandé à plusieurs reprises que soit étudiée une reprise des projets d’augmentation de cette composante avec une exonération des plus modestes, aucune réflexion n’a été engagée sur ce point. Au demeurant, les documents stratégiques de réduction des GES n’étudient pas de manière précise ce que pourrait être l’apport de l’outil « fiscalité » : aujourd’hui, l’objectif de la fiscalité énergétique est d’abord un objectif de rendement. Elle comporte, au demeurant, des dépenses fiscales (exonérations) nocives à l’environnement, dont la Cour voudrait réévaluer le montant (de 5,9 Mds à 13,6 Mds) en tenant compte de leur impact nocif.
Cette fiscalité présente en outre un caractère récessif, malgré les dispositifs de compensation pour les plus modestes, ce qui rend son acceptabilité difficile : le premier quintile des revenus y consacre 3,9 % de ses ressources, le quintile le plus aisé 1,1 %. Par ailleurs, les ménages supportent un coût beaucoup plus important que les entreprises alors qu’ils ne sont à l’origine que d’un tiers des émissions de GES, sachant que, seulement 21,5 % de la consommation des entreprises sont concernés par le système d’échanges de quotas européens et en supporte le coût. La plupart des entreprises supporte donc un coût limité.
Les réformes nécessaires de la fiscalité énergétique française doivent tenir compte du contexte européen, en particulier de la révision probable de la directive « Taxation de l’énergie », qui devrait conduite à abandonner certaines taxations réduites, à établir une hiérarchie des taxes (en taxant davantage les énergies fossiles que l’électricité) et à réformer les tarifs favorables applicables à certaines industries et à certains transports. La future directive sur le développement des énergies renouvelables (RED) nécessitera également une adaptation de la fiscalité de l’énergie dans les transports. S’y ajoute la prochaine réforme du système européen d’échange de quotas carbone, qui va s’étendre aux secteurs du bâtiment et des transports (ménages et entreprises) et conduire à une hausse importante des prix du gaz et du carburant (il faudrait s’interroger sur l’aide aux ménages modestes) et très probablement à une baisse de la consommation, donc des rentrées fiscales.
La Cour demande donc une réflexion « structurante » sur la fiscalité de l’énergie, pour la rendre cohérente avec les objectifs poursuivis par ailleurs par le pays et la préparer aux réformes en cours. Les scénarios proposés vont de simples ajustements liés aux modifications de la réglementation européenne à des scénarios plus ambitieux : le plus convaincant est celui qui intègre cette fiscalité à la lutte pour la préservation du climat et de l’environnement : reprise de la trajectoire ascendante de la composante carbone de la TICPE ou augmentation des taxes sur les énergies fossiles et fin des dépenses fiscales nocives à l’environnement.