Dans une interview au Monde en date du 23 mai 2019, le Président de la HATVP (Haute autorité pour la transparence de la vie publique), J-L Nadal, présente son rapport d’activité 2018 : il se réjouit que « les responsables publics (soumis à obligation de déclaration de patrimoine et de déclaration d’intérêts) se plient de mieux en mieux à la transparence », qu’il y ait moins de déclarations mensongères ou incomplètes et que les lobbyistes qui agissent auprès des pouvoirs publics se soient effectivement inscrits sur le répertoire numérique de la HATVP et déclarent leurs activités de représentations d’intérêts. De fait, le respect des règles progresse sans nul doute, même si, pour obtenir les 5787 déclarations de patrimoine ou d’intérêts attendues, 120 injonctions ont dû être envoyées et si, à la suite de l’affaire Benalla, la Haute autorité a dû rappeler que les membres des cabinets des ministres et responsables de l’exécutif sont soumis à des obligations identiques de déclaration et que leur liste exacte devait lui être transmise. 30 déclarations de patrimoine ont été transmises à la justice, majoritairement pour utilisation indue de l’indemnité représentative de frais, qu’il faudrait bien réformer. La Haute autorité a également utilisé toute l’étendue de ses prérogatives (publication d’un rapport spécial et saisine du Parquet financier) dans le cas d’une ancienne ministre (Fleur Pellerin) accusée de n’avoir pas respecté une réserve émise par la Haute Autorité, qui est en charge de contrôler le « pantouflage » des anciens ministres : son entreprise aurait été financée par un groupe financier avec lequel, ministre, elle avait passé contrat. La Haute autorité contribue donc à établir une meilleure transparence.
Pour autant, son rapport d’activité soulève lui-même quelques points faibles : c’est le cas, en premier lieu du contrôle des déclarations d’intérêts des parlementaires : il est vrai que, au nom du principe de la séparation des pouvoirs, les textes ne permettent pas à la HATVP d’adresser sur ce sujet des injonctions aux parlementaires. Elle ne peut sanctionner que « l’omission substantielle », ce qui imposerait de bien définir ce qu’est une omission vénielle. Surtout, cette absence de contrôle sur le fond rend possibles les mêmes abus qu’autrefois, notamment lorsque les parlementaires mènent, parallèlement à leur mandat électif, des activités d’avocats d’affaires. Un organisme indépendant de surveillance des parlementaires, Arcadie, notait en janvier 2019, que seuls 61 des 557 députés étaient à jour de leurs obligations d’actualisation de leur déclaration d’intérêts. Le prochain scandale public viendra de cette zone d’ombre…
Deuxième difficulté, la surveillance de l’activité des lobbies : certes, le nombre d’inscriptions des « représentants d’intérêts » a augmenté (957 fin 2017, 1769 en début 2019). Mais leurs déclarations d’activité sont remplies de manière hétérogène et peu exploitable : le rapport, là aussi, souligne le caractère inapproprié des dispositions du décret qui encadre les lobbyistes (leur définition est trop restrictive et ne permet pas de cerner leur activité) et leurs déclarations d’activités : celles-ci devraient être recentrées sur les actions menées pour influencer la rédaction de la loi ou des textes d’application, la déclaration devrait être obligatoire même quand la sollicitation de la rencontre ne vient pas du lobbyiste (d’autant que c’est le plus fréquent) ou quand celui-ci intervient sur un problème individuel. Au demeurant, la HATVP n’a pas encore engagé de contrôles sur les déclarations d’activité des lobbies (elle les annonce) : l’on sent bien que ce terrain, auquel l’opinion publique est de plus en plus sensible, est encore en friche.