Pendant longtemps, les experts de la programmation pluriannuelle de l’énergie ont travaillé en retenant l’hypothèse d’une stabilité de la consommation d’électricité sur le long terme. Ainsi dans le bilan prévisionnel de l’équilibre offre demande d’électricité établi en 2017 à horizon 2025-2035 et dont les scénarios seront utilisés dans le cadre de l’élaboration de la PPE 2020, RTE, une filiale d’EDF en charge d’ajuster la production et la consommation d’électricité et qui réalise des études sur les besoins d’électricité et d’énergie, note que « des interrogations perdurent » sur les conséquences de l’électrification de certains secteurs sur l’avenir de la consommation électrique. Pour autant, l’ensemble des hypothèses retenues tablent alors sur une stabilité ou une baisse du bilan prévisionnel. La programmation pluriannuelle de l’énergie arrêtée en 2020 est d’ailleurs construite sur une quasi stabilité de l’électricité dans le mix énergétique à horizon 2028.
L’analyse évoluera du tout au tout en quelques années. RTE a lancé en 2019, à la demande du gouvernement, une nouvelle étude prospective, « Futurs énergétiques 2050 », sur les scénarios de mix énergétique permettant d’atteindre la neutralité carbone d’ici trente ans. Tous les scénarios proposés en 2021 tablent sur une baisse de la consommation finale d’énergie de 40 % à horizon 2050, mais, à l’inverse des scénarios précédents, l’hypothèse de référence devient celle d’une nette progression de la consommation d’électricité (+ 35 % par rapport à la consommation actuelle). Celle-ci passerait de 25 % de la consommation d’énergie aujourd’hui à 55 % de celle de demain. Le solde de l’énergie nécessaire serait fourni par le gaz décarboné, les déchets, la biomasse, voire l’hydrogène. Cette augmentation est expliquée par une électrification plus massive des usages.
Aujourd’hui, nouvelle inflexion, qui se traduira en septembre prochain dans un nouvel exercice de « bilan prévisionnel » dont le projet est aujourd’hui soumis à concertation : à la suite de l’accélération des ambitions européennes, qui ambitionnent une baisse plus prononcée des émissions de GES à horizon 2030 (-55 % par rapport à 1990), les prévisions d’augmentation de la consommation d’électricité augmentent. Par ailleurs, la guerre en Ukraine conduit à tenter d’accélérer la décarbonation, sachant que les substituts trouvés au niveau du gaz (gaz liquéfié) sont plus coûteuses et plus émettrices de CO2 que le gaz traditionnel.
Restent deux questions : l’on est en France enclin à modifier les prévisions concernant le mix énergétique pour les mettre en accord avec les objectifs de décarbonation inscrits dans la loi. Mais cette logique ne s’applique guère aux politiques sectorielles dont dépend l’atteinte de ces objectifs. Il serait tout aussi urgent, voire davantage, d’infléchir la politique des transports, de changement des modes de chauffage, de rénovation des logements, de décarbonation des processus de production.
Seconde question, peut-on, dès l’horizon 2023-2035, accélérer la production d’électricité, dans une période où aucun nouveau réacteur nucléaire ne pourra être mis en service ? Conclusion de bon sens : oui, si on accélère les renouvelables, si on ne ferme pas de centrale et si on cherche enfin la sobriété. Pour autant, l’idéal serait de doubler d’ici à 2035 la production d’énergies renouvelables, ce qui paraît presque hors de portée…