Depuis 2007, trois présidents (N. Sarkozy, F. Hollande et, en 2022, E. Macron) se sont engagés, pendant leur campagne présidentielle, à créer un service public de la petite enfance qui rendrait l’offre de places de garde obligatoire. Une telle obligation existe dans les pays scandinaves et, depuis quelques années, en Allemagne. La création d’un tel service public serait à la fois favorable à l’activité féminine, à la natalité (c’est l’un des rares aspects de la politique familiale qui ait une influence sur la décision d’avoir un enfant) et à l’égalité des territoires, l’offre actuelle de garde de la petite enfance étant très inégalement répartie. Pour autant, jusqu’à la fin du premier quinquennat Macron, rien n’a changé : la création de places de garde est restée facultative, à l’initiative de collectivités qui y portent un intérêt inégal et qui, parfois, en milieu rural, n’en ont pas les moyens, car la garde en établissement collectif coûte cher. Les besoins, estimés à 275 000 places en 2018 par le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge, sont importants : le quinquennat Hollande n’a réussi à créer que 60 000 places supplémentaires de garde collective. Ensuite, l’offre ne s’est accrue que de 15 000 places de 2018 à 2022, alors que, parallèlement, le nombre de places offertes par les assistantes maternelles diminuait fortement, de 100 000 environ d’après certaines estimations. L’offre de garde totale est donc, en 2020, en baisse par rapport à la situation du début des années 2010.
Sur la création d’un service public, les choses ont bougé récemment. Le 1er juin 2023, la première ministre a annoncé, sur le quinquennat, la création de 100 000 places d’ici 2027 et un effort financier de 5 Mds inscrit dans la Convention d’objectifs et de gestion de la CNAF (Caisse nationale des allocations familiales), avec une réévaluation de la « prestation de service » servie par la branche familles aux établissements. Pourtant, en octobre dernier, la création d’un service public de la petite enfance, inscrite dans un article du projet de loi « Plein emploi », qui conférait aux communes (ou aux intercommunalités en cas de transfert de compétences) une mission d’autorité organisatrice chargée de recenser l’offre, d’informer les parents, de planifier les réponses aux besoins, a été rejetée par l’Assemblée nationale. Les professionnels, les élus et la ministre en ont été déçus. Pourtant, les raisons du rejet ne sont pas déraisonnables : non seulement l’offre la plus répandue, celle des assistantes maternelles, baisse, mais les établissements collectifs peinent à recruter des salariés qualifiés, pour des questions de salaires. Dans le contexte actuel, la promesse de 100 000 places supplémentaires peut donc sembler irréaliste sauf si des efforts sont faits pour favoriser ce développement. De plus, la qualité de l’accueil des enfants a été mise en cause dans certains établissements, surtout privés. Les parlementaires ont craint dans ces conditions que les communes ne se contentent de recenser la pénurie. Certains n’étaient pas convaincus que la commune soit le bon échelon. D’autres auraient souhaité que le système d’aides de la branche famille soit évalué. En bref, les parlementaires qui ont rejeté l’article du projet de loi qui créait ce nouveau service public réclament une politique plus complète et plus ambitieuse, qui réponde mieux à l’insuffisance de l’offre. Refuser le projet qui était proposé présente des risques : un nouveau projet, plus complet, peut apparaître trop couteux (les collectivités devront-elles payer davantage ?) et le sujet, qui n’a jamais été une priorité, peut tomber dans l’oubli. Peut-être cependant vaut-il mieux tenter d’apporter des réponses de fond aux problèmes que de les traiter partiellement.